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Projet de loi contre les dérives sectaires : pourra-t-on encore s’exprimer librement en matière de santé ?

Sera-t-il encore possible de critiquer un traitement médical ? Ou même d’émettre le moindre doute quant à son efficacité ou son innocuité sans être accusé de dérive sectaire ? La question se pose au regard du projet de loi de lutte contre les dérives sectaires qui vient d’être déposé au Sénat le 15 novembre dernier.

◆ La « provocation » à renoncer à un traitement médical 

Le chapitre s’intitule « Protéger la santé » et contient les articles 4 et 5 d’un projet de loi « visant à renforcer la lutte contre les dérives sectaires ». Celui-ci a été déposé le 15 novembre dernier au Sénat par le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, et sa secrétaire d’État chargée de la Citoyenneté, Sabrine Agresti-Roubache. Il fait l’objet d’une procédure accélérée, ce qui signifie qu’il n’aura guère le temps d’être discuté. Cependant, le texte est court : sept articles seulement.

Court, mais interpellant. L’article 4, en particulier, a de quoi interroger. Il propose d’insérer dans le Code pénal un article 223-1-2 qui commence ainsi : « Est punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende la provocation à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical thérapeutique ou prophylactique, lorsque cet abandon ou cette abstention est présenté comme bénéfique pour la santé des personnes visées alors qu’il est, en l’état des connaissances médicales, manifestement susceptible d’entraîner pour elles, compte tenu de la pathologie dont elles sont atteintes, des conséquences graves pour leur santé physique ou psychique. »

◆ La critique est-elle une « provocation » ?

Qu’entendre par « provocation » ? S’agit-il de clairement inciter un individu à renoncer à un traitement médical (par exemple, en lui donnant un avis ou un conseil) ou cette notion peut-elle être étendue au simple fait de critiquer ou de mettre en doute ledit traitement ? Ce qui reviendrait à faire taire tout débat scientifique le concernant. On pense alors au débat qui fait rage depuis trois ans sur l’efficacité et l’innocuité des vaccins anti-Covid. Ou encore à celui sur le vaccin Gardasil® contre le papillomavirus. Les esprits critiques pourraient-ils être accusés de dérive sectaire ?

Me Fabrice Di Vizio donne son avis de juriste dans un tweet du 22 novembre 2023, où il répond à la question du journaliste Xavier Bazin : « Le projet de loi Darmanin veut-il dire qu’on ne pourra bientôt plus critiquer les vaccins Covid ? » La réponse de l’avocat est incertaine : « Pas tout à fait. Le but est de prohiber l’incitation à ne pas recourir à un traitement. Ce n’est pas directement la critique qui est visée que l’incitation à l’abstention. Mais les contours sont flous. »

◆ Pourra-t-on donner son avis en privé ?

Me Di Vizio donne en revanche un exemple concret de ce que la loi pourrait entraîner pour un individu qui donnerait son avis ou son conseil à des proches, y compris dans un cadre privé. Il évoque le cas d’un de ses clients, actuellement en procédure pour des faits qui n’ont aucun rapport avec les vaccins. « Dans une écoute téléphonique, celui-ci discute avec un ami et lui dit : ne te fais pas vacciner contre le Covid bla bla. Personnalité un peu médiatique, il reçoit des appels d’amis d’amis qui lui demandent son avis, lequel ne varie pas. Il leur dit : c’est un vaccin expérimental dangereux enfin tout ce qu’on sait. Conversation privée mais… Alors que la procédure n’a rien à voir avec ça […], le juge s’arrête dessus pendant 25 min et lui pose plein de questions : au nom de quoi se permet-il ? A-t-il seulement conscience de ce qu’il dit ? A-t-il conscience que ça peut être de l’abus de faiblesse ? Alors non, ici ça ne l’est pas. Mais demain avec la loi, ce type de conseils certes privés mais répétés mais qui se retrouvent dans une procédure d’instruction pourront-ils être pénalement sanctionnés ? Tout porte à le croire. »

◆ Un médecin pourra-t-il déconseiller un traitement ?

Autre question : sur le plan médical, un médecin qui déconseillerait à son patient de suivre tel traitement ou de faire telle vaccination qu’il jugerait, en tant que praticien clinique, défavorable à sa santé pourra-t-il encore le faire ? Ou sera-t-il accusé de dérive sectaire ?

Vu le nombre de médecins qui ont été inquiétés par leur Ordre pour avoir émis des avis critiques durant la crise Covid (on peut aussi citer le cas du pharmacien Amine Umlil récemment interdit d’exercer par l’Ordre des pharmaciens), on peut légitimement s’interroger. D’autant plus que l’article 5 du projet de loi vise à ce que les ordres professionnels nationaux soient informés par le ministère public en cas de condamnation, même non définitive, prononcée à l’encontre d’une personne relevant de ces ordres ou si cette personne est placée sous contrôle judiciaire.

◆ Les pratiques alternatives aussi dans le viseur

L’article 4 ne concerne pas que « la provocation à abandonner ou à s’abstenir de suivre un traitement médical », mais également « la provocation à adopter des pratiques présentées comme ayant une finalité thérapeutique ou prophylactique pour les personnes visées alors qu’il est, en l’état des connaissances médicales, manifeste que ces pratiques les exposent à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une mutilation ou une infirmité permanente ».

Ici, les pratiques de soins dites « alternatives » semblent visées. On sait qu’elles sont depuis longtemps dans le collimateur de la Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires (Miviludes), mais aussi dans celui du Conseil national de l’Ordre des médecins, qui a publié un rapport assassin sur ces pratiques non conventionnelles en juin 2023.

Mais les « péripéties » médicales de ces dernières années obligent à s’interroger davantage (plus en profondeur). Les pratiques jugées dangereuses pour les patients pourraient-elles aussi englober tout traitement médical n’ayant pas été officiellement approuvé par le gouvernement et les autorités de santé, comme ce fut le cas de l’hydroxychloroquine ou de l’ivermectine durant la crise Covid, certains médecins ayant quasiment été accusés de charlatanisme pour les avoir prescrites ?

◆ Lutte contre les sectes ou lutte contre la liberté ?

Le dernier paragraphe de l’article 4 concerne la presse : « Lorsque ces délits sont commis par la voie de la presse écrite ou audiovisuelle, les dispositions particulières des lois qui régissent ces matières sont applicables en ce qui concerne la détermination des personnes responsables. » Faut-il comprendre qu’il ne sera plus possible, en tant que média, de relayer des voix discordantes ou de faire connaître des alternatives thérapeutiques sous peine d’être également sanctionné ?

En résumé, ce projet de loi donne l’impression d’un étau qui se resserre pour rogner encore et toujours davantage sur nos libertés fondamentales, sous prétexte de renforcer la lutte contre les dérives sectaires. Un sentiment partagé par l’avocat Carlo Alberto Brusa, qui l’écrit sans détour dans un tweet : « Ce n’est pas la lutte contre les sectes, il s’agit de lutte contre la liberté ! »

Article par Alexandra Joutel

 

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