Quelles sont les raisons de la hausse inquiétante de mortalité néonatale en France ? Santé

Quelles sont les raisons de la hausse inquiétante de mortalité néonatale en France ?

Contrairement à ce qui est constaté dans les autres pays de l’Union européenne, la mortalité néonatale ne diminue pas, voire augmente en France. Inquiète de cette situation, la Société française de néonatologie vient de publier un état des lieux accablant et demande que soit revue d’urgence l’organisation des soins critiques néonatals.

Une mortalité infantile supérieure à la moyenne européenne

La mortalité infantile stagne, voire augmente en France depuis 2011 selon les données de l’Insee, alors qu’elle tend à diminuer ailleurs en Europe, même dans les pays où elle était déjà faible. À tel point que, depuis 2015, la mortalité infantile en France est supérieure à la moyenne de l’Union européenne. Elle était de 3,6 décès pour 1 000 enfants nés vivants en 2020, tandis que la moyenne européenne était à 3,3. En 2022, elle était de 3,9 ‰, toujours selon les chiffres de l’Insee.

Cette importante mortalité infantile est essentiellement due à un excès de mortalité néonatale (dans les 28 jours suivant la naissance), qui représente 74 % des décès. La période la plus critique étant celle des 7 premiers jours, qui concentre à elle seule 47,8 % des décès. En quelques années, la France a ainsi dégringolé de la 3e à la 20e place du classement des pays européens en fonction de leur taux de mortalité infantile.

Un problème médical ou structurel ?

Les explications données dans le rapport Euro-Peristat 2015-2019 ou dans le rapport 2021 de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) sont la hausse de l’âge des mères au moment de l’accouchement, leur état de santé pendant la grossesse ou encore l’accroissement des grossesses multiples.

Mais face à ces données épidémiologiques qu’elle juge « préoccupantes », la Société française de néonatologie (SFN) propose une autre grille d’analyse et sonne l’alerte dans un document publié en septembre 2023. À travers quatre enquêtes qu’elle a réalisées, la SFN s’est intéressée à l’organisation des soins critiques en néonatologie (soins intensifs et réanimation) et a conclu à des « constats alarmants ». Pour elle, il est urgent de revoir cette organisation qui repose sur des décrets datant de 1998 et plus du tout adaptés.

Un manque criant de lits

Les enquêtes ont porté sur le capacitaire et les taux d’occupation des services de soins critiques néonatals, sur la qualité de vie au travail des néonatologistes et sur la charge en soins. Parmi les résultats, on découvre que le nombre de lits de réanimation néonatale pour 1 000 naissances varie du simple au double selon les régions en France métropolitaine, voire du simple au triple dans les outre-mer. Par ailleurs, le nombre de ces lits reste faible comparé aux capacités d’autres pays : de 0,60 à 1,28 lit pour 1 000 naissances en France métropolitaine, alors que ce ratio est de 1,8 en Chine et de 1,4 à 5,9 aux États-Unis.

Des services souvent saturés

Cette insuffisance structurelle se mêle à un contexte d’augmentation du nombre de nouveau-nés requérant des soins critiques, en raison d’un élargissement de la prise en charge de l’extrême prématurité et du nombre croissant de grossesses poursuivies alors que le fœtus est atteint d’une malformation grave et incurable. L’ensemble de ces réalités aboutit à des taux d’occupation très élevés des services de soins critiques néonatals (91,3 à 93,8 % en moyenne), avec des périodes régulières de saturation et de refus de prises en charge faute de place, notamment en réanimation.

Un sous-effectif chronique de médecins

« Malgré la baisse récente de la natalité, l’offre de soins critiques néonatals reste insuffisante d’autant que l’on observe des fermetures de lits par manque de personnel, fermetures qui représentaient en moyenne 5 % des lits de soins critiques en juin 2023 », souligne la SFN. L’association avance plusieurs chiffres inquiétants : 72 % des maternités de type 3 (disposant d’une unité de réanimation néonatale) rencontrent des difficultés pour assurer la permanence des soins, dont 25 % régulièrement ou toujours. Au moins un poste de pédiatre néonatologiste est vacant dans 73 % de ces services, et deux ou plus sont vacants dans 46 % des services. Pour les professionnels en poste, 80 % de ceux qui ont répondu à l’enquête déclarent travailler plus de 50 heures par semaine et jusqu’à plus de 75 heures hebdomadaires pour 13 % d’entre eux. 17 % disent avoir vécu un épisode de burn-out ou de dépression.

Des équipes infirmières peu expérimentées

Du côté des infirmiers, le constat est que les effectifs recommandés par les décrets de 1998 sont « inadaptés à la charge en soins réelle dans 90 % des cas ». Par ailleurs, au moins un tiers des effectifs infirmiers des services de type 3 a moins de deux ans d’ancienneté professionnelle et manque donc de l’expérience nécessaire pour exercer dans un service de soins critiques néonatals. À ce défaut d’ancienneté s’ajoute une carence de formation initiale, la pédiatrie et la néonatologie ayant été « entièrement supprimées du programme d’enseignement du diplôme d’État d’infirmier en 2009 », apprend-on encore dans cet état des lieux très inquiétant, qui conforte le tableau général catastrophique de la situation hospitalière aujourd’hui en France.

Article par Alexandra Joutel

(Image par Victor Ramos de Pixabay)

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