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Sarthe : une rentrée sportive qui s’annonce « connectée » pour les collégiens

Dans la Sarthe, quelle a été une des solutions proposées par le conseil départemental pour tenter de remédier à l’augmentation de la sédentarité et des problèmes psychiques des jeunes pendant la crise Covid ? Leur offrir des bracelets connectés afin de contrôler tout au long de l’année leur état de santé et les inciter à faire du sport, en plus d’un programme nutrition.

 

Tous les médias relaient cette information, sans évoquer les changements de société que ce type d’intégration et d’assistance technologique au sein même des établissements scolaires pourraient engendrer. Nous avons interrogé Philippe Guillemant, expert en nouvelles technologies et en transhumanisme, ainsi qu’Édouard Gaudot, essayiste et conseiller politique.

◆ Objectif : « se prendre en main », un bracelet au poignet

Évaluer en premier l’état de santé de 7 000 nouveaux collégiens sarthois (les sixièmes) à partir du mois de septembre 2022, puis celui de tous les collégiens (800 classes – 28 000 élèves) dans 4 ans, en 2026, fait partie du projet. Puis « proposer un programme éducatif de promotion de la santé, articulé autour de la “promotion de l’activité physique” et de “l’éducation à la nutrition” ». En juin 2022, 7 collèges sarthois ont déjà participé à ces tests.

D’après l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (l’ANSES), les deux tiers des adolescents passent plus de deux heures par jour sur des écrans et pratiquent chaque jour moins d’une heure d’activité physique. Cédric Hayère, le directeur départemental de l’Union nationale du sport scolaire (l’UNSS) qui pilote cette opération en Sarthe, s’inquiète de la sédentarité grandissante des jeunes et déclarait à France Bleu : « Dans un premier temps, nous souhaitons tester leur état de forme. Ce sera fait pour tous les collégiens. Puis, dans les établissements volontaires, nous proposerons ce programme de sport santé. » En matière d’alimentation, il souhaite aussi leur apprendre « les bonnes pratiques » pour que les élèves « aillent mieux demain et se prennent en main ».

◆ Questionner, évaluer, compter, calculer

Concrètement, ce bracelet ne pourra pas insuffler de la volonté ou forcer un jeune à lever son postérieur d’une chaise, mais il lui permettra de calculer le nombre de pas qu’il fait par jour ainsi que son rythme cardiaque.

Le site du département indique qu’en plus des différentes qualités physiques mesurées grâce au bracelet connecté et via l’application « Tous en forme », les élèves seront invités à répondre à des questionnaires relatifs à leurs habitudes alimentaires, à leurs pratiques d’activités physiques et sportives, à leur temps d’utilisation des écrans… « Les résultats compilés par établissement pourront servir de base de discussion, de réflexion et de co-construction des parcours “Manger/Bouger”. »

◆ Uniquement des avantages ?

Que vont évaluer les bracelets électroniques de manière exhaustive ? « Seulement » le nombre de pas des élèves et leur rythme cardiaque ? Il est annoncé que « le département de la Sarthe dotera tous les collégiens d’un bracelet connecté ». Si un élève n’en voulait pas, ou si des parents n’en voulaient pas, à leur enfant, que se passera-t-il ? L’intégration de ces outils technologiques dans le quotidien des élèves n’a-t-elle que des avantages ? Quels inconvénients pourraient-ils engendrer ? Si les mesures sanitaires devaient revenir à la rentrée, ces bracelets électroniques suffiront-ils à faire du bien aux élèves ? La Sarthe sera-t-elle le seul département utilisant cette technologie, ou y a-t-il un projet plus vaste à l’échelon régional ou national ?

Ce sont autant de questions que nous avons posées le 5 juillet 2022 au service presse du conseil départemental de la Sarthe dont nous attendons toujours la réponse.

Les prémices d’un monde transhumaniste ?

Pour Philippe Guillemant, l’insertion banalisée de ce genre de technologies est insidieuse : « Il est clair que sont délibérément oubliés les très forts risques d’aliénation et d’anxiété potentiellement provoqués par ces bracelets. Sans même parler de l’objectif à long terme qui est d’imposer une monnaie mondiale sur la base d’une identification numérique obligatoire, ces risques-là sont rédhibitoires car les humains (les jeunes) y perdront leurs capacités perceptives corporelles et surtout leur confiance en leurs ressentis, ce qui est très grave. »

Édouard Gaudot, qui a écrit un ouvrage sur l’école au XXIe siècle, ne semble pas plus favorable que Philippe Guillemant à ce genre de pratiques : « Je comprends tout à fait qu’on s’inquiète des conséquences néfastes sur la santé physique et mentale de nos enfants des écrans et des addictions qu’ils favorisent. Mais cette approche par la surveillance électronique me laisse très sceptique et très inquiet. Le champ des dérives est tellement infini que je n’y vois que des dangers : la collecte, l’exploitation et l’utilisation à des fins commerciales, expérimentales, voire policières, des données de santé des enfants ; l’habitude dès le plus jeune âge à porter des instruments de surveillance explicite ; le règne de la performance chiffrée et de la statistique ; le dressage des comportements par une autorité désincarnée.
Pour changer leurs habitudes, il y aurait bien d’autres pistes à explorer. Mettons un peu d’imagination et surtout de l’humain. Des coachs sportifs, des jeux, des activités de plein air qui rendent les téléphones inutiles et encombrants. Il est urgent de sortir de cet écran total. »

À l’allure où les nouvelles technologies s’immiscent dans nos vies, on peut se demander si le bracelet connecté fera un jour partie de la panoplie obligatoire du collégien, voire de tout élève, quelle que soit sa classe, et vers quel monde nous nous dirigeons.

👉 Lire notre entretien avec Philippe Guillemant dans notre n° 137 (novembre-décembre 2021) :

 

 

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