Du sang de jeunes comme élixir de jouvence ?
« Ô rage ! ô désespoir ! ô vieillesse ennemie ! N’ai-je donc tant vécu que pour cette infamie ? » On connaît tous la célèbre tirade de Don Diègue dans Le Cid de Corneille, comme on connaîtra tous, tôt ou tard, les effets du vieillissement sur notre corps. Ou pas. D’après de récentes études scientifiques, le sang ou même le plasma de jeunes individus transfusé à leurs aînés pourrait faire « rajeunir » ces derniers. Les adeptes du transhumanisme et de la vie éternelle s’en pourlèchent déjà les babines…
◆ L’homme qui voulait rajeunir
Faut-il en rire, s’en réjouir ou s’en effrayer ? Chacun réagira selon son degré d’angoisse face au vieillissement et selon l’espoir qu’il met dans la science pour nous sauver des ravages du temps.
Le 22 mai dernier, le millionnaire américain Bryan Johnson, quadragénaire obnubilé par l’idée de rajeunir (en témoigne son site consacré à son programme Blueprint), annonçait fièrement sur sa chaîne YouTube sa nouvelle expérimentation en matière de thérapies anti-âge : la transfusion de plasma sanguin intergénérationnelle. Concrètement, l’homme de 45 ans s’est fait transfuser du plasma de son fils de 17 ans. Idem pour son père de 80 ans, qui a bien voulu se prêter à l’expérience.
Concrètement, l’homme de 45 ans s’est fait transfuser du plasma de son fils de 17 ans.
Idem pour son père de 80 ans, qui a bien voulu se prêter à l’expérience.
Freiner, stopper, voire inverser le processus de vieillissement grâce à l’apport de sang neuf, voilà bien un fantasme qui n’est pas nouveau et a nourri nombre d’histoires de vampires, parfois inspiré des rumeurs comme celles qui ont couru sur le roi Louis XV, sans parler de cas plus avérés comme celui de la « comtesse sanglante », Élisabeth Báthory. Sauf que dans l’expérience de Bryan Johnson, la « victime » repart saine et sauve.
◆ Des effets significatifs sur les souris
L’idée de l’Américain peut sembler délirante, elle s’appuie pourtant sur des travaux de recherche très sérieux menés ces dernières années sur des souris. En langage scientifique, l’échange sanguin entre individus de générations différentes s’appelle la « parabiose hétérochronique ». Plus complexe qu’une simple transfusion sanguine et réalisée sur une période de plusieurs semaines, la parabiose est une opération chirurgicale qui unit en les reliant en permanence le système vasculaire de deux animaux vivants.
Trois études, publiées en mai 2014 dans la revue Science ont montré que des expériences de parabiose hétérochronique menées sur des binômes de souris d’âges différents permettaient d’obtenir des effets de rajeunissement significatifs sur les plus vieilles.
Amélioration de la fonction musculaire, diminution des dommages génomiques dans les cellules souches musculaires et augmentation de la force physique et de l’endurance, dans la première étude. Stimulation du remodelage vasculaire et augmentation du flux sanguin dans le cerveau, activation de la prolifération des cellules souches donnant naissance aux neurones olfactifs et amélioration de l’olfaction, dans la deuxième étude. Enfin, amélioration de l’apprentissage et de la mémoire et meilleure plasticité synaptique de l’hippocampe, dans la troisième étude. Ces résultats spectaculaires seraient dus à certains facteurs sanguins présents en grande quantité chez les jeunes sujets, mais en faible quantité chez leurs aînés : la protéine GDF11 et la protéine Creb.
◆ Rajeunissement ou simple rétablissement ?
D’autres études ont révélé par la suite des bienfaits sur le cœur et sur quasiment tous les organes, ainsi que sur la vitalité de la fourrure, comme le rapporte un article publié en janvier 2015 sur le site de la revue Nature. Mieux encore, des recherches ont prouvé que la totalité du sang n’était pas nécessaire et que le plasma seul suffisait pour obtenir les mêmes résultats. D’où l’idée, pas si farfelue, de notre Américain en quête d’une nouvelle jeunesse.
Alors ? Serions-nous effectivement en présence d’un élixir de jouvence ? Dans le même article de Nature, la chercheuse Amy Wagers, l’une des co-signataires de ces études, préfère refroidir les enthousiasmes : « Nous ne dé-vieillissons pas les animaux. Nous rétablissons la fonction des tissus », précise-t-elle avec rigueur. Les facteurs comme la GDF11 ne transforment pas les tissus vieux en tissus jeunes, mais aident plutôt à réparer les dommages. La chercheuse souligne encore que « personne n’a démontré de manière convaincante que le sang jeune allonge la vie, et rien ne promet que ce sera le cas ». « Le sang jeune, ou des facteurs qui en découlent, peut cependant être prometteur pour aider les personnes âgées à guérir après une intervention chirurgicale ou pour traiter les maladies du vieillissement. »
◆ Transfusions répétées de plasma : des risques inconnus
Des essais cliniques de transfusions de plasma de personnes jeunes sur des personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer ont d’ailleurs été lancés en 2014 en Californie par la société privée Alkahest, qui s’est spécialisée dans ce type de thérapie. Ils sont toujours en phase 2.
Les chercheurs universitaires, eux, restent prudents quant aux risques que pourraient entraîner ces transfusions répétées sur le long terme.
Par exemple, explique l’un d’eux dans Nature, l’activation des cellules souches provoquée par le plasma « jeune » pourrait entraîner une trop grande division cellulaire et favoriser le développement de cancers. L’article de la revue scientifique rappelle également que de nombreuses souris sont mortes suite à leur parabiose.
◆ Nouvelles avancées sur la protéine GDF11
Moins risquée et plus prometteuse semble la recherche ciblée sur un facteur sanguin spécifique, comme la protéine GDF11, dont le mécanisme d’action est parfaitement compris, ou sur une combinaison de facteurs connus synthétisés en laboratoire. Une récente étude, publiée en février 2023 dans Nature Aging, montre d’ailleurs que la protéine GDF11 pourrait à elle seule avoir un impact positif sur les personnes âgées souffrant de dépression ou de troubles de l’humeur. On est encore loin de la fontaine de Jouvence, si tant est qu’elle existe, mais ce n’est déjà pas si mal.
Article par Alexandra Joutel
Photo principale tirée de la chaîne YouTube de Bryan Johnson
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