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Mettre du SEL dans sa vie pour favoriser l’entraide locale

Oublions un instant le système économique tel qu’on le connaît, et découvrons le SEL, système d’échange local. Ce réseau alternatif, organisé généralement sous forme associative, permet à ses membres d’échanger des objets, des savoirs, ou des services, sans avoir recours à l’argent.

 

C’est en participant à une réunion organisée le 17 avril 2022 par le Carrousel,  le SEL creusois, que Nexus a découvert ce concept d’échange local.

Un système qui aura bientôt trente ans en France

Né dans les pays anglo-saxons dans les années 1980 sous le nom de LETS (Local Exchange and Trade System), le SEL est arrivé en France en 1994 pour la première fois dans l’Ariège. Aujourd’hui, ils sont plus de 600 SEL dans toute la France. Les membres des SEL sont appelés « sélistes ». Chaque département ne peut avoir en principe qu’un seul SEL, mais dans certaines zones très denses comme la ville de Marseille, il est accepté qu’il en existe plusieurs. « Dans des départements comme la Creuse, il peut y avoir un problème de distance entre des communes très éloignées. Il peut donc exister plusieurs sous-groupes au sein d’un même SEL », précise Laurent, le président du Carrousel.

Un concept d’échange multilatéral

Le but d’un SEL est de développer une économie solidaire et locale, et de tisser des liens, permettant ainsi à certaines personnes de sortir de l’isolement. Chacun établit la liste des compétences qu’il a envie d’offrir et celle de ses besoins. « Rendre service à l’autre, c’est aussi se rendre service à soi-même », déclare l’un des nouveaux membres du Carrousel présents à la réunion. Un autre confie qu’en temps normal, il a beaucoup de mal à demander des services, et que ce système-là lui facilitera sans doute beaucoup les choses.

Dans le troc traditionnel, celui qui reçoit donne quelque chose en échange. Mais dans le cadre du SEL, il peut en être autrement. Paul aide Jacques à réparer sa voiture. Jacques fait les courses de Jeanine, alitée. Une fois remise, Jeanine garde les enfants de Bruno. Bruno donne un lot de DVD à Pauline. Pauline apprend à danser la salsa à Tony et Maria. Tony tient compagnie à Gaston, qui a beaucoup de mal à marcher étant donné son grand âge, tandis que Maria fait un ourlet au pantalon de Jacques. « C’est un système circulaire, pas binaire », nous explique Hélène, la secrétaire du SEL de la Creuse.

Un système sans argent, mais pas sans monnaie

Si les SEL n’utilisent pas d’argent, hormis parfois pour défrayer le déplacement, la matière première ou l’énergie utilisée par la personne aidante (prenons l’exemple de quelqu’un qui vient tondre une pelouse en utilisant sa propre tondeuse à essence), leurs membres utilisent une monnaie virtuelle, portant des noms différents selon l’endroit où le SEL se trouve, qui permettra uniquement l’échange, sans spéculation ni taux d’intérêt. Pour la Creuse, une minute vaut une nèfle. Quelqu’un qui viendra aider quelqu’un pendant 2 heures pourra donc marquer sur sa feuille d’échange 120 nèfles en bonus. La personne aidée les déduira. Celui ou celle qui préfèrera le don inconditionnel à un système d’échange ne trouvera donc peut-être pas son compte en participant à un SEL.

Un système qui n’est pas à la nèfle près

Même si l’objectif est de recevoir et de donner, il arrive que des personnes se retrouvent dans de grandes difficultés. Prenons l’exemple d’une personne très malade ou accidentée qui ne pourra pas donner à la hauteur de ce qu’elle pourra recevoir, malgré toute sa bonne volonté. Ou d’une personne sans contrainte professionnelle ou familiale qui aura envie de rendre beaucoup de services. On acceptera alors un montant négatif jusqu’à 3 000 nèfles et idem en positif, ces montants indiqués restant localement de simples recommandations.

Des abus à éviter

Une certaine souplesse existe donc, mais il faut rester vigilant. Si l’intention de départ est bonne, il arrive qu’il y ait « des abus », selon Hélène, qui prend l’exemple d’une personne qui a fait appel à beaucoup de sélistes pour retaper sa maison, puis qui a quitté l’association du jour au lendemain une fois les travaux terminés, sans presque rien donner en retour. Attention donc à celles et ceux qui voudraient faire de la notion d’échange une énergie à sens unique, ou utiliser le SEL pour dissimuler du travail au noir.

 

Franchir les frontières du département

Chaque SEL est constitué en une association indépendante avec son propre fonctionnement interne et sa propre unité d’échange. En plus des bourses locales d’échange qui sont l’occasion pour tous les sélistes d’échanger principalement des objets, les SEL peuvent organiser des rencontres avec d’autres SEL plus ou moins proches appelées InterSEL. Il existe aussi la Route des stages, pour échanger des savoir-faire, ainsi que la Route des SEL, pour partager des hébergements. Et pour ceux qui ne voudraient ni adhésion ni comptabilisation de monnaie, il existe le JEU (jardin d’échange universel).

Un système qui peut déranger le monde économique classique

« Concurrence déloyale » et « fraude fiscale », deux notions qui peuvent être pensées, voire prononcées par les défenseurs du monde économique classique qui ne voient pas toujours d’un bon œil ces modes d’échange sans monnaie courante qu’ils perçoivent comme une économie parallèle échappant aux charges sociales et à l’impôt. Un procès eut même lieu dans la ville de Foix, dans l’Ariège, en 1997. Même si aucun argent n’a été échangé entre eux, « pour la première fois, trois adhérents d’un SEL de la région étaient condamnés à 2 000 francs d’amende avec sursis pour “travail clandestin” », retrace Smaïn Laacher dans « L’État et les systèmes d’échanges locaux. Tensions et intentions à propos des notions de solidarité et d’intérêt général ».

Une façon de traverser les bourrasques ensemble ?

Les années qui viennent de s’écouler ont été difficiles et, selon Hélène, une diminution des liens via le SEL a été observée dans la Creuse pendant la période Covid. « Les gens ont eu tendance à se replier sur eux-mêmes, alors que c’est justement dans les périodes difficiles qu’il faut se serrer les coudes. » Relancer le Carrousel qui était en dormance aidera-t-il ses membres à être davantage solidaires durant les années à venir ?

 

👉 Plus d’informations sur le site de SEL’idaire, la maison commune des SEL
👉 Lire la Charte de l’Esprit du SEL
👉Voir le site du SEL de la Creuse

 

Photo principale par toutvert.fr

 

Article par Estelle Brattesani

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