Crise des opioïdes : où en sont les poursuites contre McKinsey et Publicis Health ? News

Crise des opioïdes : où en sont les poursuites contre McKinsey et Publicis Health ?

S’il est fréquent de parler de l’implication de McKinsey dans l’affaire des opioïdes, il est plus rare d’évoquer celle de Publicis Health, filiale du groupe publicitaire français Publicis. Pourtant, les deux agences-conseil sont accusées d’être coresponsables de cette crise et poursuivies pour avoir élaboré et mis en œuvre des stratégies commerciales agressives et mensongères.

Des milliers de plaintes déposées

Selon des documents déposés le 26 septembre dernier au tribunal du district nord de Californie, aux États-Unis, l’agence de conseil américaine McKinsey a accepté de verser 230 millions de dollars pour mettre un terme aux milliers de poursuites engagées contre elle dans l’affaire des opioïdes. Parmi les plaignants se trouvent des collectivités, des écoles, des communautés locales, des parents d’enfants nés avec des symptômes de sevrage… McKinsey est accusée d’avoir élaboré et mis en œuvre des stratégies commerciales agressives pour permettre à son client, le laboratoire pharmaceutique Purdue Pharma, de vendre de l’OxyContin à un large public.

645 000 morts en deux décennies

L’oxycodone, la molécule active de l’OxyContin, est un puissant antidouleur de la famille des opioïdes, dont l’une des caractéristiques est d’être très addictive. Pour cette raison, son administration était surtout réservée aux malades de cancer en phase terminale ou dans les cas de chirurgie lourde. Mais à partir de 1996, avec l’arrivée sur le marché de l’OxyContin commercialisé par Purdue Pharma, cette substance a été l’objet de prescriptions massives aux États-Unis, du fait d’une grosse opération de marketing auprès des médecins, où on leur faisait croire à la faible dangerosité du produit en minimisant ses risques addictifs. La prescription de l’OxyContin et d’autres opioïdes à grande échelle a provoqué une explosion du nombre d’addictions et de décès. Entre 1999 et 2021, les Centers for Disease Control and Prevention (CDC – Centres de contrôle et de prévention des maladies américains) ont comptabilisé près de 645 000 décès par surdose d’opioïdes aux États-Unis, notamment en raison d’une augmentation des prescriptions sur ordonnance, en particulier de l’OxyContin.

McKinsey prête à payer 230 millions de dollars supplémentaires

Purdue Pharma a été poursuivie et condamnée à une amende de 634 millions de dollars pour publicité mensongère en 2007 et a conclu en 2019 un accord amiable pour solder une plainte de l’Oklahoma, mais l’entreprise pharmaceutique n’est pas la seule à être tenue pour responsable dans cette affaire. Ses agences-conseil McKinsey et Publicis Health sont également poursuivies pour leur rôle dans la désinformation, la stratégie de promotion et les techniques de vente agressives du médicament. McKinsey a accepté de verser en 2021 la somme de 641,5 millions de dollars pour régler des contentieux avec les procureurs généraux des 50 États américains. Deux ans plus tard, le cabinet a accepté de verser 230 millions supplémentaires pour stopper les milliers d’autres poursuites engagées contre lui. Mais cet accord doit encore être approuvé par un juge.

Publicis Health poursuivie par dix États américains

De son côté, Publicis Health, filiale du groupe publicitaire français Publicis, est également attaquée en justice : d’abord par l’État du Massachusetts depuis 2021, puis par neuf autres États américains depuis 2022. Comme en témoigne le rapport financier semestriel de juin 2023 de Publicis Groupe, les procédures sont toujours en cours et n’ont pour l’instant pas trouvé d’issue amiable.

Contrairement à McKinsey, l’implication de Publicis dans la crise des opioïdes est peu médiatisée (du moins en France). Peut-être parce qu’aucune somme n’a pour le moment été versée dans le cadre des poursuites judiciaires ? Peut-être aussi parce que ce géant mondial de la publicité est l’un des principaux financeurs extérieurs de NewsGuard. Peu connue du grand public, cette influente start-up américaine est considérée comme une référence dans l’évaluation de la « mésinformation » en ligne (sites et réseaux sociaux). NewsGuard a notamment été choisie par la Commission européenne, en octobre 2021, pour faire partie des entreprises travaillant à la réécriture du Code européen de bonnes pratiques contre la désinformation. En véritable « flic (autoproclamé) du Net », NewsGuard se vantait également, en octobre 2022, d’avoir aidé 2 141 sites européens et américains à avoir une pratique journalistique plus fiable grâce à son système de scoring… Ce que l’on constate, en tout cas, c’est que peu de médias parlent de l’implication de Publicis dans l’affaire des opioïdes.

Article par Alexandra Joutel

 

👉 Soutenez Nexus en lisant notre dossier sur McKinsey dans notre magazine Nexus n° 138 (janvier-février 2022) : 

👉 CHER LECTEUR, L’INFO INDÉPENDANTE A BESOIN DE VOUS !

Nexus ne bénéficie d’aucune subvention publique ou privée, et ne dépend d’aucune pub.
L’information que nous diffusons existe grâce à nos lecteurs, abonnés, ou donateurs.

Pour nous soutenir :

1️⃣ Abonnez-vous
2️⃣ Offrez Nexus
3️⃣ Commandez à l’unité
4️⃣ Faites un don sur TIPEEE ou sur PAYPAL

Découvrez notre dernier numéro :

Et gardons le contact :

🔥 Retrouvez-nous sur réseaux sociaux
🔥 Inscrivez-vous à notre newsletter