L’ONU parle d’un « nouvel ordre mondial » dans son Nouvel agenda pour la paix News

L’Onu parle d’un « nouvel ordre mondial » dans son Nouvel Agenda pour la paix


« Une transition est en cours vers un nouvel ordre mondial. » C’est ce qu’on peut lire dans le Nouvel Agenda pour la paix de l’Onu de juillet 2023. De quel « nouvel ordre mondial » s’agit-il ?

◆ L’Onu face aux menaces

À l’occasion de la célébration du soixante-quinzième anniversaire de l’Onu, António Guterres, le secrétaire général de l’organisation était invité à « faire des recommandations concrètes sur un large éventail de menaces qui planent sur terre ou en mer ou encore dans l’espace ou le cyberespace ». En décembre 2022, il déclarait qu’il y répondrait sous la forme d’un agenda pour la paix, qui « aura pour but de répondre à toute une série de questions difficiles, donnera un aperçu de l’action que peut mener l’Onu dans le domaine de la paix et de la sécurité dans un monde en transition et dans une nouvelle ère de concurrence géopolitique. Il définira une approche globale de la prévention qui fera le lien entre la paix, le développement durable, l’action climatique et la sécurité alimentaire. »

◆ Un « nouvel ordre mondial » au nom de « la paix »

Destiné à définir « une approche globale de la prévention des conflits », le Nouvel Agenda pour la paix de l’Onu est bien sorti en juillet 2023. On peut y lire parmi les premières lignes : « Nous nous trouvons aujourd’hui à un point d’inflexion. La période de l’après-guerre froide est terminée. Une transition est en cours vers un nouvel ordre mondial. » Expression qu’Antonio Guterres a reprise à l’oral lors de la présentation publique de cet agenda le 20 juillet 2023 : « Nous sommes à l’aube d’une ère nouvelle. […]  Nous nous dirigeons vers un nouvel ordre mondial et un monde multipolaire. » Pour lui, la situation a empiré ces dernières années : « Les conflits sont devenus plus complexes, plus meurtriers et plus difficiles à résoudre. L’année dernière, le nombre de décès liés aux conflits a atteint son plus haut niveau depuis près de trente ans. Les inquiétudes quant à la possibilité d’une guerre nucléaire refont surface. De nouveaux domaines potentiels de conflit en puissance et de nouvelles armes de guerre sont en train de donner à l’humanité de nouveaux moyens de s’anéantir elle-même. »

 

◆ Prévention, diplomatie, désarmement nucléaire et vigilance 

Le secrétaire général explique également que l’agenda présente « 12 propositions d’action concrètes, qui s’inscrivent dans cinq domaines prioritaires ». Priorités qu’il a passées en revue, comme celle « de prendre des mesures énergiques pour renforcer la prévention au niveau mondial », notamment en « éliminant les armes nucléaires » ou en ayant recours à la diplomatie, « en particulier lorsque les États sont en désaccord, et à tirer pleinement parti de mes bons offices pour surmonter les clivages, afin que l’humanité ne devienne pas un dommage collatéral d’une compétition géopolitique à outrance entre grandes puissances ». Autre priorité : « Empêcher la militarisation des nouveaux domaines et des nouvelles technologies et promouvoir l’innovation responsable », puisque de « l’intelligence artificielle aux nouveaux risques biologiques, les nouvelles technologies, et les interactions complexes qui existent entre elles, font apparaître une multitude de menaces nouvelles qui dépassent de loin nos cadres de gouvernance actuels ».

◆ « Imposer la paix », surtout en Afrique…

S’il est question du désarmement nucléaire, imposer la paix par les armes ne semble pour autant pas être une méthode à interdire pour António Guterres, en particulier en Afrique, continent foisonnant de matières premières et de « groupes terroristes » : « En raison de la fragmentation des conflits, dans lesquels interviennent souvent des groupes armés non étatiques, des bandes criminelles, des terroristes et des opportunistes, il apparaît de plus en plus souvent nécessaire de recourir à des opérations multinationales d’imposition de la paix et de lutte antiterroriste et anti-insurrectionnelle. […] Aucun continent n’a autant besoin de cette nouvelle génération de missions d’imposition de la paix que l’Afrique. La prolifération des groupes armés non étatiques, y compris des groupes terroristes, qui opèrent de part et d’autre des frontières constitue une menace grave et croissante dans plusieurs régions du continent. […] Ainsi, le Nouvel Agenda pour la paix réaffirme ma volonté de mettre en place des missions d’imposition de la paix et des opérations antiterroristes qui seraient dirigées par des pays africains. » On peut se demander quelles stratégies géopolitiques et guerrières à venir se verront à nouveau justifiées par de tels arguments et de quelle façon la paix sera imposée.

Une allusion aux abus et transgressions des pays membres ?

António Guterres fait peut-être allusion aux nombreux méfaits et cachotteries des États membres lorsqu’il affirme que « si chaque pays remplissait ses obligations en vertu de la Charte, le droit à la paix serait garanti. Lorsque les pays ne respectent pas ces engagements, ils créent un monde d’insécurité pour tous. » Concernant les armes, les pays signataires de la Charte des Nations unies de 1945, « résolus à préserver les générations futures du fléau de la guerre », s’engagent à « instituer des méthodes garantissant qu’il ne sera pas fait usage de la force des armes, sauf dans l’intérêt commun ». Reste à savoir dans un premier temps qui définit ce qu’est « l’intérêt commun » et comment…

La non-exemplarité de la France

Reste aussi à déterminer si de tels engagements sont respectés lorsque par exemple des armes françaises sont utilisées pour bombarder des civils au Yémen par l’Arabie Saoudite ou les Émirats arabes unis, alors que le Traité sur le commerce des armes (TCA), convention juridiquement contraignante de l’Onu, interdit les transferts d’armes susceptibles d’être employées pour des crimes de guerre. Sébastien Fontenelle, interviewé par Vice en 2019, trouvait « fascinant de voir […] Emmanuel Macron proclamer que la France va œuvrer pour l’abolition de la peine de mort alors qu’on continue à vendre des armes à des régimes qui pratiquent la peine de mort sur une échelle assez spectaculaire et qui procèdent à des tueries de masse. C’est du cynisme et de l’hypocrisie à la française. Depuis un demi-siècle, la France vend des armes à des régimes qui comptent parmi les plus brutaux et les plus répressifs de la planète. »

◆ « Complotistes »… ou réalistes ?

Si l’avènement du « nouvel ordre mondial » devait être mené par des pays comme la France, peut-on vraiment compter sur le fait que le but premier soit la mise en place de la paix et de l’harmonie entre tous les peuples ? Est-il « complotiste » d’en douter ? Selon Wikipédia ou certains « spécialistes du décryptage des fake news et des théories complotistes » qui n’hésitent pas à caricaturer et à mettre dans le même panier tous ceux qui doutent de la bienveillance totale des « puissants de ce monde », très certainement. Mais selon les faits, notamment ceux que nous avons pu observer pendant la crise Covid, on a du mal à imaginer, malgré toutes les bonnes intentions qui se dégagent du texte onusien pour la paix, que l’organisation du « nouvel ordre mondial » se fera pacifiquement, démocratiquement et de manière transparente, dans le respect des peuples, en particulier ceux des pays détenteurs de ressources énergétiques indispensables au maintien du confort des pays dits « riches ». Que seront prioritaires le consentement libre et éclairé, notamment en matière sanitaire, la préservation de l’environnement et de la biodiversité, l’autonomisation des pays dits « en voie de développement ». Que seront systématiquement repérés et punis la corruption, l’implication des États – directement ou indirectement via des entreprises privées – dans divers trafics (humains, drogues, armes, produits pharmaceutiques, etc.), les conflits d’intérêts, les censures abusives, ainsi que les recours aux mensonges conscients, au chantage ou aux assassinats.

Ceux qui affirment ne voir de « complot » nulle part sont peut-être au moins aussi insensés et dangereux que ceux qui en voient partout. Nous verrons bien ce que proposera l’Onu dans son Programme commun présenté en avril 2024 lors du Sommet du futur et si les pays membres s’y tiendront…

Article par Estelle Brattesani

 

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