Modélisation : l’outil peu fiable qui justifie les pires restrictions

Deux ingénieurs de Polytechnique ont décidé d’évaluer ces modélisations. Leur travail montre un décalage très important entre la réalité et ce qui avait été prévu, ce qui pose question. 

◆ Évaluation publique des modélisations ?

La modélisation consiste à récolter des données et à effectuer des analyses statistiques dans le but de déterminer des tendances. Cela peut permettre de mieux comprendre les événements et ainsi faire des prévisions.

Il n’existe, actuellement, aucune rétrospective publique des modélisations et des scénarios, de l’Institut Pasteur, de l’Inserm et de l’Imperial College. Certaines modélisations ont, entre autres, servi de base aux décisions de confinement de la France et d’une bonne partie du monde. L’évaluation fait pourtant partie intégrante des bonnes pratiques de la modélisation mathématique. Deux ingénieurs de Polytechnique ont donc décidé de faire ce travail d’évaluation. On peut le retrouver sur leur site ainsi que sur leur page Twitter. Premier constat, sur les onze modélisations testées, seulement deux cas de figure s’approchent des valeurs des différents scénarios. Pour les neuf autres cas, la tendance était à la surestimation de la réalité.

◆ L’exemple flagrant de la Suède

Une équipe de scientifiques de l’Imperial College de Londres, menée par le professeur Neil Ferguson, a publié en mars 2020 un rapport prédisant qu’en l’absence de mesures strictes, il y aurait plus de 500 000 morts en moins de trois mois au Royaume-Uni. Pour contenir la vague et éviter une saturation du système hospitalier, le rapport préconisait la mise en place de mesures strictes, du type confinement. Se fiant à ce rapport, de nombreux gouvernements ont mis en place ces mesures.

La Suède a fait un autre choix. Elle n’a pas confiné sa population, préférant des mesures plus légères. Ce choix a permis aux deux ingénieurs d’évaluer la modélisation de l’Imperial College, dont le rapport prévoyait 90 000 décès en Suède, si le pays ne prenait aucune mesure durant la première vague. La réalité est toute autre, puisqu’il y a eu moins de 10 000 décès durant la première vague.

◆ L’exception qui confirme la règle ?

Lors de son intervention devant la commission des affaires sociales du Sénat, l’épidémiologiste Alice Desbiolles expliquait que « la modélisation épidémiologique est extrêmement difficile : une bonne anticipation de la réalité est l’exception et l’erreur est la norme ». Se basant sur les travaux des deux ingénieurs, elle conclut que « les modélisations n’apportent pas un niveau de preuve suffisant pour supporter la mise en place d’interventions de santé publique à fort impact. Le biais en faveur d’une surestimation peut favoriser l’adoption de mesures plus restrictives que nécessaire » et elle ajoute qu’il y a « tout un continuum d’interventions entre ne rien faire et confiner une population ».

Certains diront qu’il vaut mieux surestimer la réalité et prévoir systématiquement le pire. Mais les mesures comme le confinement, le couvre-feu, les fermetures de classes et de lieux publics ont des impacts sanitaires, sociaux et économiques négatifs. Ne vaut-il donc pas mieux réagir de manière proportionnée, plutôt que de surréagir ?

Image par Mediamodifier de Pixabay

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