glyphosate-cancerigene-autorise Environnement

Réautorisé pour 10 ans dans l’UE, de nouveau reconnu comme cancérigène par la justice américaine : le glyphosate continue à susciter la controverse

Les faits se chevauchent parfois étrangement dans l’actualité : pendant que l’Union européenne décidait de reconduire pour dix ans l’autorisation d’utiliser le glyphosate, Bayer (Ex-Monsanto) était à nouveau condamné aux États-Unis pour des cas de cancers imputés à son produit phare, le Roundup, dont la formulation contient du glyphosate. Des ONG ont décidé de déposer des recours auprès de la Cour de justice de l’Union européenne.

◆ Abstention de sept pays européens, dont la France

L’autorisation d’utiliser du glyphosate dans l’Union européenne prend fin le 15 décembre 2023. Anticipant cette date, la Commission européenne a proposé de soumettre au vote des 27 États membres le renouvellement de cette autorisation pour une durée de dix ans, soit la durée maximale possible. Un premier vote a eu lieu le 13 octobre 2023 en comité permanent. Il nécessitait l’accord ou le refus de 15 pays représentant au moins 65 % de la population de l’Union européenne. Sept pays s’étant abstenus, dont la France et l’Allemagne, cette majorité qualifiée n’a pas été atteinte. Un second vote s’est déroulé le 16 novembre en comité d’appel, mais avec le même résultat. C’est donc à la Commission européenne qu’il revient de décider.

◆ « Aucun sujet de préoccupation majeure » mis en évidence par l’EFSA

La Commission a d’ores et déjà annoncé qu’elle reconduirait l’autorisation. Dans sa déclaration en date du 16 novembre, elle dit prendre sa décision en « se fondant sur des évaluations complètes de la sécurité réalisées par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) », qui « n’ont, selon elle, mis en évidence aucun sujet de préoccupation majeure ». Toutefois, le renouvellement de l’approbation du glyphosate se fera « sous réserve de nouvelles conditions et restrictions. Parmi ces restrictions figurent l’interdiction de l’utilisation de cette substance avant récolte pour la dessiccation et la nécessité de prendre certaines mesures pour protéger les organismes non ciblés. »

◆ Le Roundup à nouveau reconnu responsable de cancers

Rien, donc, concernant de possibles risques de cancer dus à l’utilisation du glyphosate. L’ironie de l’actualité fait que le lendemain de cette décision, le vendredi 17 novembre, la société Bayer (ex-Monsanto) a de nouveau été condamnée aux États-Unis pour son célèbre désherbant à base de glyphosate, le Roundup. Saisi par trois plaignants ayant développé un lymphome non hodgkinien, le tribunal de Jefferson City dans le Missouri a estimé que leur maladie était bien imputable à l’utilisation prolongée du produit pendant plusieurs années. Le groupe allemand Bayer, propriétaire de Monsanto depuis 2018, a été condamné à verser en tout 1,5 milliard de dollars de dommages et intérêts aux victimes, mais a annoncé qu’il ferait certainement appel. Rappelons que depuis qu’il a racheté l’entreprise américaine, le groupe Bayer croule sous les procédures. Selon le média Novethic, il y aurait encore 47 000 procès en attente sur 160 000 intentés.

◆ Des études scientifiques en désaccord avec les agences réglementaires

Le désaccord scientifique autour du Roundup et du glyphosate dure depuis plus d’une décennie. Il a notamment débuté en France avec les travaux des équipes du Comité de recherche et d’information indépendantes sur le génie génétique (Criigen), qui dénonçaient la dangerosité du Roundup, en soulignant que le glyphosate est bien plus toxique quand il est utilisé dans une formule que seul. Or, les études menées par les fabricants ne portent que sur la molécule active isolée.

En 2015, une monographie du Centre international de recherche sur le cancer (Circ) classe le glyphosate parmi les « cancérogènes probables pour l’humain ». Parmi des centaines d’autres études scientifiques, une datant de 2019 met en évidence le lien entre l’utilisation du glyphosate et le risque de développer un lymphome non hodgkinien. En juin 2021, l’Inserm publie une expertise collective qui dresse un bilan des connaissances sur les pesticides et leurs effets sur la santé à partir d’une analyse de la littérature scientifique internationale. Une présomption assez forte de lien semble établie entre le glyphosate et l’apparition de lymphomes non hodgkiniens ou de myélomes multiples. Malgré tout, les agences de sécurité américaine et européenne continuent de ne voir dans le glyphosate aucun danger particulier pour la santé…

◆ 30 études retenues sur 1 628 pour l’évaluation de l’EFSA

« À première vue, l’évaluation de l’EFSA semble approfondie, englobant de nombreuses études, commente le Dr Pauline Cervan, toxicologue chez Générations Futures (France). Cependant, sur les 1 628 études de glyphosate évaluées par des pairs – dont beaucoup mettent en évidence les effets néfastes sur la santé ou l’environnement – publiées au cours de la dernière décennie, 30 seulement (1,8 %) ont été considérées comme pertinentes et fiables pour l’évaluation. Ces études sont éclipsées par la recherche industrielle dans l’évaluation globale des données probantes. »

◆ Deux projets de recours pour annuler la réautorisation en Europe

Face à la décision de réapprobation de la Commission européenne, la coalition Secrets toxiques, qui regroupe 77 organisations françaises, projette de déposer un recours en annulation auprès de la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE). Plusieurs députés européens s’y sont déjà associés, dont les écologistes Michèle Rivasi (*) et Benoît Biteau, et le socialiste Christophe Clergeau. Un second recours en annulation, porté par Pesticide Action Network (PAN) Europe et quatre de ses organisations membres, dont Générations Futures pour la France, est également en train d’être monté.

 

Article par Alexandra Joutel

 

* Au moment où nous écrivions cet article, nous apprenions le décès soudain de Michèle Rivasi, à qui nous allons consacrer un hommage.

 

(Image par Th G de Pixabay)

👉 CHER LECTEUR, L’INFO INDÉPENDANTE A BESOIN DE VOUS !

Nexus ne bénéficie d’aucune subvention publique ou privée, et ne dépend d’aucune pub.
L’information que nous diffusons existe grâce à nos lecteurs, abonnés, ou donateurs.

Pour nous soutenir :

1️⃣ Abonnez-vous
2️⃣ Offrez Nexus
3️⃣ Commandez à l’unité
4️⃣ Faites un don sur TIPEEE ou sur PAYPAL

Découvrez notre dernier numéro :

Et gardons le contact :

🔥 Retrouvez-nous sur réseaux sociaux
🔥 Inscrivez-vous à notre newsletter