passe ton bonheur a ton voisin Entretien

« Passe ton bonheur à ton voisin », avec Damien Quaglia

Nexus s’est entretenu avec Damien Quaglia, l’auteur du livre Passe ton bonheur à ton voisin. Pour lui, dans une société de plus en plus individualiste et en perte de repères, l’accomplissement personnel semble être une quête à mener seul et uniquement pour soi-même. Pourtant, notre propre réalisation peut aussi contribuer à l’épanouissement des personnes que nous côtoyons et à l’émergence d’une société plus authentique et solidaire. Son livre présente à chaque chapitre une qualité qui semble fondamentale à acquérir pour libérer notre potentiel et le mettre au service de tous. Il nous invite à prendre conscience de notre fonctionnement et à cultiver une attitude positive et synergique, afin que notre réussite fasse celle des autres.

Nexus : Pouvez-vous résumer votre parcours et nous dire quelle(s) mission(s) vous menez actuellement ?

Que ce soit comme responsable de structures d’insertion, entrepreneur social ou encore consultant, j’ai toujours travaillé dans le soutien aux personnes en difficulté ou à la recherche de perspectives de vie plus significatives.

J’ai, grâce à ces différentes expériences, eu la chance de mettre en place et de gérer de nombreux projets d’insertion ou de réhabilitation psychosociale, et ce pour différents groupes cibles (jeunes adultes en situation de vulnérabilité, mères de famille victimes de violences conjugales, personnes confrontées à des problèmes d’addiction ou des troubles psychiques, étudiants africains issus de zones défavorisées…). Travailler dans ce domaine a été pour moi un merveilleux terrain pour mieux comprendre comment l’humain pouvait favoriser son évolution personnelle.

Actuellement, je partage mon temps entre mes activités au sein de mon cabinet de coaching et de consulting Eminda et ma fonction de conseiller social au sein d’une grande université suisse spécialisée dans le domaine de la science et de la technologie. Dans ce cadre, j’offre un soutien à des étudiants et à des doctorants du monde entier pour les aider à dépasser les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien (stress, démotivation, gestion des études, difficultés d’adaptation ou d’apprentissage, problèmes relationnels, harcèlement, mal-être…).

Qu’est-ce qui vous a poussé à écrire ce livre ? Quelle était votre intention principale ? 

Nous avons tous un besoin d’accomplissement personnel, une force qui nous pousse à nous diriger vers ce qui est censé nous apporter le bonheur. Je voulais offrir une vue d’ensemble des compétences que l’on peut développer pour se rapprocher de cet idéal.

Cependant, je tenais également à présenter quelles conséquences pouvai avoir l’absence de chacune de ces compétences dans nos vies. La prise de conscience de ces lacunes permet de nous protéger contre nous-même, mais aussi contre les autres qui peuvent par leur comportement nous porter préjudice, venir contrarier notre développement ou créer un environnement peu propice à notre épanouissement personnel.

Je propose donc des ressources pour déjouer, chez soi et chez les autres, les écueils de l’orgueil, de l’étroitesse d’esprit, d’un besoin exagéré de reconnaissance, de l’abus de pouvoir, d’un manque de discernement, d’empathie ou encore d’autocritique…

Pouvez-vous nous décrire le concept du livre, comment il est agencé ?

Je décris en premier lieu le concept d’accomplissement de soi qui, soit dit en passant, est un peu différent du bonheur, même si ces deux notions se recoupent fortement. Pour ce faire, je me suis tout d’abord penché sur les auteurs qui ont permis des avancées significatives dans la compréhension de l’accomplissement de soi ou de l’une de ses composantes. Je présente ensuite les 20 compétences qui m’ont semblé les plus indispensables au processus de réalisation personnelle et montre comment elles peuvent, très concrètement, s’exprimer dans notre société individualiste et en perte de repères.

Ce que vous proposez est-il basé sur du vécu ? Le vôtre uniquement ?

Les exemples illustrant les compétences sont effectivement basés sur mon vécu ou celui de personnes que j’ai côtoyées. Cependant, ces tranches de vie décrivent des qualités et des défauts universels. Chaque lecteur devrait donc retrouver dans son propre parcours de vie des exemples peu ou prou similaires à ceux présentés.

Qu’est-ce que « réussir » pour vous ?

Beaucoup de gens vous diront, et je les rejoins, que réussir c’est trouver son bonheur et s’accomplir. Une autre partie, peut-être plus minoritaire, l’assimilera à la réussite matérielle.

Ce que je note cependant, et nous le voyons bien actuellement, c’est que cette recherche d’accomplissement personnel a aussi sa face sombre, ses pièges, qui peuvent être très douloureux. J’évoque notamment dans mon livre les travaux du sociologue Alain Ehrenberg qui a montré comment cette quête d’accomplissement pouvait nuire à la santé mentale par une trop grande dépense d’énergie pour s’adapter aux exigences de notre société très compétitive. Il faut, en conséquence, réussir à se ménager dans cet exercice et savoir gérer les pressions que l’on se met ou que l’on nous met.

Qu’est-ce que le « bonheur » pour vous ?

Pour moi, le bonheur c’est d’être en famille, d’accompagner les gens dans le cadre de mes activités, de faire du sport, de marcher dans la nature, de lire, d’écrire, de jardiner… et, enfin, de savourer le repos après tous ces efforts.

C’est aussi la satisfaction de travailler à l’atteinte d’objectifs qui sont significatifs pour moi et pour mes proches, et ce dans les différentes sphères de nos vies (relationnelle, professionnelle, loisirs…). Lorsque je regarde autour de moi, je constate que la plupart d’entre nous ressentent effectivement ce besoin de réalisation, ce désir de progresser, de réaliser des projets, de se nourrir d’aventures passionnantes, de rencontres, de découvertes, de reconnaissances sociales… Le psychologue américain Abraham Maslow pensait que ce besoin était inné chez chaque être humain. Viktor Frankl, neurologue et psychiatre autrichien rescapé des camps de concentration, parlait, pour sa part, d’une « tension entre son but à atteindre et sa situation actuelle ».

Il convient, cependant, de manœuvrer habilement pour faire évoluer positivement sa situation et cela demande la mobilisation de certaines compétences, de savoir apprendre de ses erreurs, d’anticiper les difficultés, de faire preuve de discernement, de prendre des décisions judicieuses, d’agir avec justesse, d’élargir sa conscience sociale et sa connaissance de soi… C’est ce que j’ai modestement essayé de présenter dans mon livre.

Avez-vous eu des retours de lecteurs qui ont mis en pratique ce que vous proposez et pour qui votre livre a été bénéfique ? Un exemple ? 

On m’a rapporté différents éléments qui pouvaient être impactants. Pour certains, cela a été une histoire de vie, la présentation d’une compétence ou d’un concept théorique qui a fait évoluer leurs représentations. Pour d’autres, un outil qui a changé leur manière de penser ou d’agir dans certaines situations. J’ai aussi un lecteur qui m’a confié avoir pris une décision salutaire suite à la lecture du livre grâce à une meilleure compréhension de sa situation et aux prises de conscience qui en ont découlé.

Est-ce que, malgré toute la bonne volonté du monde, il arrive qu’il ne puisse pas y avoir bonne entente et/ou coopération ? Selon vous, pourquoi ? 

Nous sommes tous humains avec nos défauts et nos limites et vivons, de plus, dans un monde avec des façons de penser, des motivations, des valeurs et des intérêts différents. Parfois, il y a aussi simplement des incompatibilités de caractère ou de tempérament. Je pense que la première chose à faire est d’en être conscient. Voyons ensuite comment faire l’effort, au quotidien, d’identifier quelles sont les attitudes que nous adoptons et qui dévalorisent ou négligent l’autre. Tentons enfin de les éliminer et de les remplacer par des comportements plus soutenants. Cette attitude nous procurera une importante satisfaction et nous grandira.

Est-ce dû à l’individu et/ou au système dans lequel vivent les individus ? 

Les deux. L’anthropologue américaine Ruth Benedict avait montré comment, par ses règles de fonctionnement formelles ou tacites (lois, coutumes, normes sociales, habitudes et croyances collectivement partagées…), une société pouvait modifier positivement ou négativement le comportement de ses membres et les rendre plus généreux, altruistes, solidaires, courtois ou, au contraire, plus agressifs, méfiants, égoïstes ou anxieux.

La notion de propriété est un bon exemple. Prenons le cas du Sénégal. Si vous achetez un terrain dans les communautés villageoises mais n’en faites rien, il peut vous être retiré. Cette règle du droit foncier traditionnel empêche la spéculation excessive et vous force à cultiver ou à construire et, de ce fait, à contribuer au développement de votre communauté – favorisant ainsi, bien souvent, la reconnaissance mutuelle et le vivre-ensemble.

Je prends cependant le parti inverse dans ce livre et montre comment l’individu peut, par son comportement, agir non seulement pour son propre épanouissement, mais également pour celui des personnes de son entourage.

Selon vous, le bonheur peut-il exister sans être partagé ?

Certainement, les personnes âgées, par exemple, peuvent éprouver du bonheur en se souvenant du temps passé. Mais ce bonheur devient tellement plus puissant et riche de sens lorsqu’il est partagé. De nombreuses recherches attestent, à ce propos, qu’être avec les autres rend heureux et est bon pour la santé.

Edgar Morin avait identifié chez l’être humain ce double « logiciel » avec, d’une part, cette aspiration profonde d’émancipation et d’accomplissement personnel et, d’autre part, ce besoin intense de rencontre avec nos semblables et de vie en communauté. La conception de l’accomplissement de soi telle que développée dans mon livre montre que ces deux forces peuvent non seulement être compatibles, mais également travailler en synergie – l’une venant nourrir l’autre et la renforcer.

Propos recueillis par Estelle Brattesani
Journaliste pour le magazine Nexus

 

(Image principale par Gerd Altmann de Pixabay)

👉Vous procurer le livre de Damien Quaglia aux éditions Gereso :


👉 Lire notre dossier « 
Le pouvoir du collectif ! » dans notre  148 (sept.-oct. 2023) :

On ne peut être autonome seul, ainsi retrouver le pouvoir d’agir sur nos vies individuelles et collectives est crucial. État des lieux et tour d’horizon des possibilités.

👉 CHER LECTEUR, L’INFO INDÉPENDANTE A BESOIN DE VOUS !

Nexus ne bénéficie d’aucune subvention publique ou privée, et ne dépend d’aucune pub.
L’information que nous diffusons existe grâce à nos lecteurs, abonnés, ou donateurs.

Pour nous soutenir :

1️⃣ Abonnez-vous
2️⃣ Offrez Nexus
3️⃣ Commandez à l’unité
4️⃣ Faites un don sur TIPEEE ou sur PAYPAL

Découvrez notre dernier numéro

Et gardons le contact :

🔥 Retrouvez-nous sur réseaux sociaux
🔥 Inscrivez-vous à notre newsletter