Autonomie alimentaire

Plantons des arbres et récoltons-en collectivement les fruits

Aujourd’hui, entretien avec Hervé Mauclère de l’association Yvette Vallée en Transition, dont les membres ont décidé de faire pousser des arbres fruitiers dans leur ville, pour et par les habitants.

 

En ces temps chaotiques, nous adresser à des porteurs d’alternatives qui les incarnent nous a semblé fondamental. Aujourd’hui, entretien avec Hervé Mauclère qui a pris les choses en mains pour créer un verger pour et par les habitants en vallée de Chevreuse.

 

Photo : Estelle Brattesani


Bonjour Hervé, peux-tu nous présenter quelle idée tu as voulu concrétiser dès 2016 ? 

Un lieu de création où l’on retrouve l’esprit d’un groupe de copains, comme à l’heure de la récréation à l’école. On ne joue pas aux billes, on cultive des arbres ! Je pense que c’est un concept qui permet de proposer la création d’un projet commun qui a du sens à des gens qui ne se connaissent pas. Les cinquante personnes qui nous ont rejoints dès le premier weekend  n’y connaissaient rien à l’arboriculture fruitière ! Ils voulaient apprendre, participer, partager, se rencontrer, loin de la routine familiale et du boulot, pour retrouver la terre. C’est un lieu magique où certes nous avons réalisé un Verger exceptionnel, mais c’est surtout un lieu d’expression et de réalisation des participants. Où l’on  peut faire ensemble, apporter et partager ses compétences et idées, participer physiquement à des projets, célébrer les réalisations, passer de bons moments,  le tout entre personnes très différentes. Cela apprend à chacun à écouter l’autre, le respecter, et à comprendre que sur le verger, il y a un esprit d’équipe qui prévaut sur les caractères personnels… Et cela fonctionne depuis plus de 4 années !

T’es-tu inspiré de quelque chose qui existait déjà ? Si oui, de quoi ?

Beaucoup de jardins participatifs ont émergé ces dernières années ici et là, j’ai voulu réaliser un verger participatif en partageant ma passion avec les gens qui viendraient. Il suffisait de trouver un terrain, de convaincre les élus et de réunir des bénévoles… La sauce a pris !

Quand et comment l’idée t’est venue ?

Passionné de culture et de formation d’arbres fruitiers, j’ai fait une formation continue au potager du Roy de Versailles il y a une quinzaine d’années. Longtemps impliqué dans les associations puis la politique locale et notamment le développement urbain de la commune, j’ai appris la présence d’un verger abandonné depuis 1980, acheté par la maire pour faire un lotissement. Les associations locales se sont battues contre et ont gagné au Conseil d’État, ce qui n’a pas permis à la mairie de réaliser ce lotissement. Dans mes fonctions d’Architecte des Bâtiments de France en Essonne, j’avais souvent rencontré ce genre de situations, qui se terminaient en général par une transformation du verger en parking… ou en lotissement ! « Les arbres sont morts et on a besoin de parkings pour nos commerces » disaient les maires. Cela montrait un manque de compétences dans ce domaine, une disparition d’un savoir-faire, des variétés fruitières, et tout simplement d’une filière locale qui a perduré jusque dans les années 50.Tous ces éléments m’ont permis de croire qu’il était possible de redonner vie au verger de Saint-Rémy les Chevreuse.  Il fallait seulement imaginer comment.

Où as-tu commencé et cela a-t-il pris de l’ampleur depuis ?

J’ai commencé il y a une dizaine d’années avec l’association Un verger dans ma ville, avec une vingtaine de personnes qui avaient décidé de planter des arbres à Magny-les-hameaux. Au début sans autorisation réelle de la mairie. Cette association a pris de l’ampleur et est devenue Saint-Quentin-en-Yvelines en Transition. Elle se concentrait sur la réalisation avec des bénévoles d’un jardin mandala dans l’enceinte d’une ferme de l’association Cocagne. C’est sur cette ferme que nous avons commencé à planter des arbres fruitiers, et où j’ai appris aux gens à les tailler, cela pendant quelques années. Malheureusement le site a dû être fermé et abandonné, ce qui m’a incité à trouver un autre lieu pour poursuivre et développer les plantations d’arbres fruitiers.

Quels sont les résultats positifs de cette action selon toi ?

Avant tout, la transmission d’un savoir-faire en matière de culture et de formation d’arbres fruitiers, en totale disparition aujourd’hui, qui permettait autrefois de donner des fruits en toutes saisons à la population. Ensuite, montrer que l’on pouvait retrouver dans la vallée, sur des lieux qui étaient cultivés depuis 300 ans et qui était abandonnés, une culture et une production locale reconnues et appréciées par la population. Enfin et surtout, la possibilité de réaliser un projet d’ampleur avec les habitants dans une ville où lors de mes des actions associatives et politiques, il m’avait semblé impossible de réaliser quelque chose.

Fais-tu face à des difficultés ? Lesquelles ?

Au début, l’incompréhension et la prudence habituelle des institutions politiques, que ce soit la mairie ou le parc naturel, dans un domaine qui leur est inconnu. Il fallait les rassurer avec un design, et avec la preuve de compétences. Il fallait leur faire accepter de prendre un risque. Une fois le projet lancé, il n’y a pas eu de difficultés techniques, nous les avons toutes résolues. Il n’y a pas eu de difficultés humaines au contraire.  Les gens sont venus, les gens sont restés. Les gens ont appris et apporté leurs compétences.  Les gens sont heureux de venir. Même si sur quatre ans il y a eu un roulement des bénévoles sur ce site, il y a une grande régularité de présence. La seule vraie difficulté vient du gendarme du terrain, le conservateur de la biodiversité de la zone naturelle, qui trouve toujours le moyen de nous interdire la plantation de tel ou tel arbre ou la réalisation d’un projet, tel qu’une mare, que nous avons finalement réalisée.

Si on veut faire la même chose que vous, comment on peut faire ?

La logique : avoir dans l’équipe les compétences nécessaires. Établir un projet et les moyens techniques et humains de le faire réaliser et vivre. Trouver les bénévoles ou les associations locales qui pourraient répondre à ces besoins. Avoir un leader qui dirige l’opération et réunit les bénévoles, ou s’adresser à des professionnels… s’ils existent ! Prendre les décisions de manière collégiale. Bref, pas simple, chaque projet, chaque lieu, chaque interlocuteur politique est un cas particulier. La réussite est toujours aléatoire…

En quoi ce type d’initiative peut être utile face à la situation actuelle ?

Cette initiative montre qu’il est possible, avec un projet sérieux, très peu de moyens, un leadeur compétent, des gens pleins de bonne volonté, et une commune qui fait confiance, de réintroduire une culture fruitière locale d’ampleur qui permet à terme d’apporter les fruits nécessaires aux habitants. Une telle initiative est avant tout la preuve que les citoyens peuvent avoir la capacité de faire ce qui semble souvent impossible aux institutions. Il s’avère que le sujet est simple et très apprécié par les habitants, sans doute une évidence dans le paysage de demain… A construire aujourd’hui.

Pour voir à quoi ressemble concrètement ce rêve collectif, vous pouvez vous rendre sur la page Facebook de l’association Yvette Vallée en Transition.

 

Propos recueillis par Estelle Brattesani

 

 

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