Énergie

Mauvaise nouvelle pour l’environnement : la France est devenue le plus grand importateur au monde de GNL américain

Face à la guerre en Ukraine et le souhait de se passer des combustibles fossiles de la Russie, l’Europe a décidé d’augmenter ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL) américain, et c’est une mauvaise nouvelle pour l’environnement.


Dans le but de sortir, d’ici
à 2027, de la dépendance énergétique de l’Union européenne vis-à-vis de la Russie, la Commission européenne a signé en mars 2022 un accord avec les États-Unis pour assurer un approvisionnement « stable » de GNL jusqu’en 2030.

L’abandon du projet Nord Stream 2

La Russie a annoncé, en septembre 2021, l’achèvement de Nord Stream 2. Au moment où la production au sein de l’Union européenne diminuait, ce gazoduc long de 1 230 kilomètres devait permettre de doubler les livraisons de gaz russe vers l’Allemagne, en contournant l’Ukraine et ses frais de transit d’environ un milliard d’euros par an. Le président Zelensky avait d’ailleurs dit que « l’Ukraine allait se battre contre ce projet politique russe jusqu’à son achèvement, après celui-ci et même après le commencement des livraisons ». Les États-Unis étaient également contre ce projet. Donald Trump avait fait voter en 2019 une loi imposant des sanctions contre les entreprises impliquées dans la construction. Plusieurs sociétés s’étaient donc retirées du projet. Le nouveau président américain Joe Biden, d’abord très hostile à Nord Stream 2, a finalement décidé de conclure un accord en juillet 2020 avec l’Allemagne, permettant la mise en place de sanctions contre Moscou en cas de dérapage.

Difficile de ne pas voir l’intérêt des États-Unis dans le conflit ukrainien. Afin de sanctionner la Russie, le projet Nord Stream 2 a été abandonné par l’Allemagne alors qu’il était finalisé. Et maintenant que l’Europe ne souhaite plus dépendre énergétiquement de la Russie, elle doit se tourner vers un autre producteur de gaz… les États-Unis.

Les États-Unis, grands gagnants ?

En récupérant les contrats gaziers européens, les États-Unis touchent le jackpot, surtout que le prix du gaz a explosé ces derniers mois. Selon BFM Business, la France « a été au mois de mars 2022 la première destination mondiale du GNL américain. Ce sont en mars 16 cargos de GNL en provenance des États-Unis qui ont ainsi alimenté le pays en gaz, soit deux fois plus qu’au mois de février. » La France est donc devenue le plus gros acheteur au monde de gaz liquéfié américain devant l’Espagne (15 cargos), le Royaume-Uni (12). La France possède les infrastructures nécessaires pour accueillir ces cargaisons, avec quatre terminaux de gaz, et un cinquième, flottant, qui est à l’étude. En mars 2022, les États-Unis se sont engagés à fournir 15 milliards de m3 supplémentaires de GNL à l’UE en 2022, et l’Union européenne en espère 50 milliards de m3 par an jusqu’en 2030. Mais y a-t-il une différence entre gaz russe et gaz américain ?

Une dépendance américaine beaucoup plus polluante

Aux États-Unis, 79 % du gaz produit actuellement est du gaz de schiste, selon les autorités américaines de l’énergie. Contrairement au gaz naturel conventionnel, dont l’exploitation est relativement facile, le gaz de schiste est piégé dans une roche imperméable. Son extraction, particulièrement difficile, nécessite des techniques très coûteuses et surtout désastreuses pour l’environnement (pollution des eaux, séismes…). C’est d’ailleurs pour cette raison que la France a interdit l’exploration et l’exploitation du gaz de schiste sur tout son territoire, et c’est également elle qui a mené le combat contre cette énergie en Europe. Elle se permet donc d’acheter ce qu’elle s’interdit de produire.

Le cabinet de conseil cofondé par Jean-Marc Jancovici, Carbone 4, a copublié, en octobre dernier, une analyse comparative de l’empreinte carbone amont (de l’extraction jusqu’au lieu de livraison) du gaz naturel transporté par gazoduc et du gaz naturel liquéfié pour la France. Il apparaît que le GNL émet deux fois et demie plus de CO2 équivalent que le gaz transporté par gazoduc. En cause, la préparation du gaz naturel (purification et liquéfaction) en vue de son transport en méthanier, puis le transport lui-même par bateau, et enfin la regazéification du gaz liquide.

Selon une étude publiée sur le site du think tank Ember, d’ici à 2025, l’Union européenne pourrait se passer de ses importations de gaz russe sans construire de nouveaux terminaux de GNL. Deux tiers des importations pourraient être réduites grâce à des mesures d’efficacité énergétique, d’électrification des usages et en augmentant la production d’électricité renouvelable. Le tiers restant pourrait être acheminé par le réseau de gazoducs existants. Nous ne souhaitons pas importer le gaz russe pour ne pas financer les guerres de Vladimir Poutine, mais voulons-nous pour autant financer les guerres des Américains ? Et cela doit-il se faire au détriment de notre économie et de l’environnement ?

 

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