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Fanny Walter : « Bien vivre ensemble est une destination sociétale inéluctable »

Ambassadrice du mouvement du Bonheur national brut[1], Fanny Walter accompagne des dirigeants en privilégiant l’intelligence socio-émotionnelle et collective.

Nexus : Quelles sont vos sources d’inspiration ?

Fanny Walter : Mes accompagnements s’inspirent du Bonheur national brut, un mouvement qui promeut un indice alternatif au PNB/PIB, le BNB (indice créé en 1972 par le gouvernement du Bhoutan). En France, c’est le professeur en sciences de l’éducation Ha Vinh Tho[2] qui a introduit ce modèle sociétal. Pour bien gouverner et augmenter le BNB, il faut de nouveaux indicateurs (orientés vers l’humain, la culture et la nature), plus d’intelligence socio-émotionnelle (grâce à la CNV et la pleine conscience) et plus d’intelligence collective (en recourant à la sociocratie[3] et à la Théorie U[4]).

Comment apprendre à bien décider collectivement ?

Pour aller vers le bien « vivre ensemble », on ne peut pas faire l’économie d’une bonne écologie intérieure individuelle : rencontrer ses émotions, poser ses limites, se faire respecter, faire ses deuils, sortir du déni, accepter ce qui est. Aller vers un monde nouveau et inconnu requiert d’abord de rencontrer ses peurs les plus profondes. Cette descente intérieure peut réveiller des douleurs, des traumatismes ; elle est exigeante : c’est la « traversée du U ». Et le collectif est une opportunité de mettre en lumière nos zones d’ombre. Mais la descente doit être « sécurisée » : un cadre, des gardiens du cadre et des gens que l’on aime pour se mettre aussi mutuellement en lumière. Ainsi, on peut oser lâcher prise : déléguer, ne pas tout programmer et contrôler, avoir droit à l’erreur, ne pas toujours chercher des solutions, écouter sans intervenir, lâcher le perfectionnisme, savoir faire une pause et/ou reporter une décision. Accepter notre humanité est le plus court chemin vers le collectif.

Comment la gouvernance impulsée par l’approche BNB se décline-t-elle dans les organisations que vous accompagnez (Kala Karité, Wassati, commune de Mérindol…) ?

L’enjeu pour beaucoup de petites organisations est de trouver un équilibre entre les impératifs d’immédiateté et d’efficacité, et les explorations, de moyen et long terme, pour cheminer vers la joie et la pérennité. Le niveau de motivation est souvent très bas dans ces organisations. J’introduis les changements en accompagnant soit le dirigeant, soit un groupe pilote de volontaires (représentatifs de l’organisation) soutenu par la direction. On revient aux bases : le respect des besoins et du rythme de chacun et l’enjeu collectif. L’évolution des modalités de gouvernance se fait en prenant en compte la maturité des individus et de l’organisation elle-même. J’introduis des outils et des méthodes de la Gouvernance partagée pour augmenter l’autonomie des équipes, tout en sécurisant le rôle du dirigeant, qui est généralement la personne source du projet. Ensuite, je remets du vivant dans les processus, en faisant une place au corps et à la nature. Pour les temps de réunion, par exemple : se retrouver dehors, faire un bref tour de « météo intérieure », respirer avant de parler, s’accorder une minute de centrage collectif, échanger en marchant, introduire du management visuel, etc. Et surtout, remettre la responsabilité au cœur de la compréhension du réel, pour les dirigeants comme pour les équipes. Malgré les tâtonnements, « bien vivre ensemble » est une destination sociétale inéluctable.

Propos recueillis par Marielsa Salsilli

 

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Contact : www.fannywalter.com et conférence TEDx « Le flow-score comme indicateur de vie ? »

[1] Le Centre BNB France veut fédérer les acteurs du changement, en France, autour de la notion de « Bonheur National Brut » : un changement de paradigme pour remplacer le PIB par des indicateurs de richesse humaine.

[2] H. Vinh Tho, Le Bonheur National Brut – Transformation intérieure et renouveau sociétal, 2022, Ed. Jouvence.

[3] Les 4 piliers de la sociocratie sont : l’organisation en cercles autonomes, la décision par consentement sans objection, le double lien de coordination entre cercles et l’élection sans candidat.

[4] Otto Scharmer, Théorie U. l’essentiel, 2018, Ed. Yves Michel.

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