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Vaccination des enfants contre la variole du singe : des réponses de la HAS qui laissent perplexe

Le 20 juin 2022, la Haute Autorité de santé proposait qu’on vaccine les enfants « au cas par cas » contre la variole du singe alors qu’aucune étude pour évaluer la sécurité et l’efficacité du vaccin Imvanex/Jynneos/Imvamune n’a été réalisée chez les moins de 18 ans. Nous l’avions contactée pour en savoir plus. Elle nous a répondu.


D’après sa réponse, nous nous sommes rapidement rendu compte que les données sur lesquelles s’appuient les autorités sanitaires pour autoriser la vaccination des enfants sont fragiles.

◆ Un rappel des enfants concernés

Dans son CP du 20 juin 2022, « la HAS propose que la vaccination des enfants exposés au virus et susceptibles de développer une forme sévère de la maladie puisse être envisagée au cas par cas, par les seuls spécialistes et après une évaluation stricte des bénéfices et des risques […] dans le cadre d’une décision médicale partagée, et avec le consentement des parents (ou du responsable légal de l’enfant), et de l’adolescent le cas échéant ».

◆ Des études non réalisées à partir de l’Imvanex

Si la page dédiée au vaccin Imvanex (appelé Jynneos ou Imvamune et créé à la base pour lutter contre la variole, et non la variole du singe) nous informe que « la sécurité et l’efficacité d’IMVANEX chez les personnes âgées de moins de 18 ans n’ont pas été établies », la Haute Autorité de santé s’appuie sur les données acquises à partir d’autres vaccins pour justifier la recommandation de l’Imvanex aux enfants : « Par ailleurs, bien que le vaccin Imvanex® ne soit pour l’heure autorisé que chez les adultes, plusieurs études concernant d’autres vaccins utilisant la même plateforme qu’Imvanex® (le Modified Virus Ankara – MVA), à des doses plus élevées que celles préconisées pour Imvanex®, ont démontré une bonne tolérance chez les enfants de plus de 4 mois. De plus, aucun effet indésirable n’a été rapporté après les vaccinations – y compris d’enfants et de nourrissons – lors de l’épidémie au Royaume-Uni en 2018 et 2019. »

◆ Notre série de questions

Le 25 juillet, nous demandions à cette instance sanitaire quelques précisions :

« – Quels seront les “spécialistes” habilités à juger du bien-fondé de la vaccination des mineurs ?

– À partir de quelles données scientifiques pourront-ils avoir un avis éclairé et déterminer si les “bénéfices” de l’injection sont plus grands que les “risques” ?

– Pourra-t-on appeler les enfants vaccinés comme étant les participants à une étude ? Seront-ils suivis de près comme dans le cadre d’une étude officielle pour surveiller les éventuels effets secondaires et l’efficacité du produit ?

– Combien d’enfants ont été vaccinés pendant l’épidémie de variole du singe de 2018 et 2019 citée, quels “autres vaccins” ont été alors utilisés et pouvez-vous nous envoyer un lien vers les études citées dans cette phrase : “Par ailleurs, bien que le vaccin Imvanex® ne soit pour l’heure autorisé que chez les adultes, plusieurs études concernant d’autres vaccins utilisant la même plateforme qu’Imvanex® (le Modified Virus Ankara – MVA), à des doses plus élevées que celles préconisées pour Imvanex®, ont démontré une bonne tolérance chez les enfants de plus de 4 mois.” ? »

Le jour même, le 25 juillet, le service presse nous répondait et nous renvoyait vers des « éléments de réponse » en pièce jointe, que vous pourrez trouver intégralement ici.

👉 Lire notre article :

◆ Qui sont les « spécialistes » ?

Les « spécialistes habilités à juger du bien-fondé de la vaccination des mineurs » seront des infectiologues. Ils seront amenés à évaluer les bénéfices attendus de la vaccination des enfants contre le monkeypox (notamment contre le développement de formes graves de la maladie) par rapport aux risques potentiels du vaccin, après une consultation ou téléconsultation permettant d’évaluer la balance bénéfice-risque individuelle à la vaccination.

Rappelons que ces spécialistes ne pourront pas se fier à des études d’efficacité ou de sûreté réalisées à partir de l’Imvanex chez les moins de 18 ans, puisqu’elles n’existent pas.

◆ Des données très très limitées

Quand on lui demande à partir de quelles données scientifiques ces infectiologues pourront donner un avis éclairé, la Haute Autorité de santé nous renvoie en premier lieu vers le résumé des caractéristiques d’Imvanex et de Jynneos destinés… aux adultes.

Puis elle botte en touche en nous faisant un copier-coller de son communiqué de presse du 20 juin et en répétant que « les données actuellement disponibles montrent que les enfants sont plus susceptibles de développer des formes graves de la maladie que les adultes » et en s’appuyant sur la « terrible » épidémie de 2003 aux États-Unis. 71 cas de variole du singe ont été à cette époque détectés, dont 35 ont été confirmés en laboratoire, parmi lesquels « 11 étaient des enfants âgés de 6 à 18 ans inclus ». Ce qui représente donc environ 31 % des 35 personnes touchées. Sur ces 11 enfants, 2 ont fait une forme sévère, dont l’un a dû être hospitalisé. Pas de décès déclaré, alors, nous nous demandons bien quelles données leur permettent d’affirmer que « la mortalité est également plus élevée chez les mineurs ».

Quand la Haute Autorité de santé affirme qu’« aucun effet indésirable n’a été rapporté après les vaccinations – y compris d’enfants et de nourrissons – lors de l’épidémie au Royaume-Uni en 2018 et 2019 », elle le fait sans savoir combien d’enfants ont été injectés.

« Cette donnée n’est pas précisée par l’autorité anglaise (UKHSA) dans son avis actualisé le 17 juin 2022. Il est indiqué que plusieurs enfants dont au moins un nourrisson ont reçu le vaccin et qu’aucun effet indésirable grave n’a été rapporté. »

👉 Lire notre article :

 

◆ Des vaccins contre le virus Ebola, la tuberculose ou la malaria qui servent de référence

La Haute Autorité de santé se base sur les résultats d’études faites chez des enfants à partir d’autres vaccins atténués issus de la souche Ankara (MVA-BN), soit la même que celle  contenue dans le vaccin Imvanex, mais utilisés contre le virus Ebola, la tuberculose et la malaria.

Elle cite le MVABEA qui dispose d’une AMM en Europe depuis juillet 2020 dans l’immunisation active contre le virus Ebola (et pas du tout contre la variole du singe) chez les individus d’un an et plus, en précisant que « pour les enfants de moins d’un an, aucune donnée n’est disponible sur l’efficacité et la sécurité de la vaccination ».

Elle évoque aussi le MVA85A qui a été testé contre la tuberculose chez plus de 1 400 nourrissons âgés de 4 à 6 mois, « avec une bonne tolérance », sans plus de précisions.

Le troisième vaccin présenté est le MVA ME-TRAP, testé contre la malaria et administré à 138 enfants de 5 mois à 17 ans. « Les effets indésirables retrouvés étaient principalement de la fièvre (50 % des cas), d’intensité modérée. »

◆ Enfants « cobayes » ou pas ?

Pour savoir si les enfants actuellement injectés avec l’Imvanex seront considérés comme étant les participants à une étude et suivis de près pour surveiller les éventuels effets secondaires et l’efficacité du produit, la Haute Autorité de santé nous redirige… vers l’ANSM, que nous ne manquerons pas de contacter. Elle nous informe néanmoins qu’à l’échelle européenne, un plan d’investigation pédiatrique préparé en 2013 ainsi qu’un protocole pouvant inclure des adolescents (et non pas des enfants) vont être mis en place (après le début des injections des enfants si on comprend bien la situation). Quant à la France, « un dispositif spécifique de recueil et de suivi renforcé des effets indésirables immédiats et retardés est mis en place par l’ANSM », mais rien ne semble spécifiquement consacré aux enfants.

Bref, nous restons sur notre faim tant les réponses manquent de précision et inquiets pour la santé des enfants qui seront vaccinés.

 

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