Témoignage

Témoignage d’une victime du Levothyrox

Francine est une des victimes du changement de formule du Levothyrox, molécule utilisée pour traiter les problèmes de thyroïde. Elle fait partie des milliers de personnes qui ont porté plainte contre le laboratoire Merck et l’ANSM. Elle a accepté de répondre à nos questions et de témoigner de son « parcours du combattant. »

 

Pouvez-vous vous présenter ?

Ma carte d’identité indique que j’ai eu 67 ans le 8 août 2021. Mais chacun s’accorde à dire que  j’en fais beaucoup moins. D’un tempérament combatif, j’ai élevé mes deux enfants, seule, et j’ai travaillé pendant 41 ans. Je suis retraitée (je déteste ce mot) depuis 2015. Ma dernière profession a été chargée de gestion en sinistres, puis j’ai fait du bénévolat pour les aveugles, que j’ai dû interrompre brutalement en juin 2017 suite au changement de formule du Levothyrox en mars 2017.

Pouvez-vous nous dire à partir de quand et pourquoi vous avez pris ce médicament ?

Je prenais du Levothyrox depuis 2007, pour une hypothyroïdie et la maladie de Hashimoto. Plus qu’un médicament, le Levothyrox est un traitement substitutif vital à la thyroxine naturelle qui fait défaut aux malades de la thyroïde.

Était-il efficace et présentait-il alors des effets secondaires ?

Oui, il était efficace, même s’il n’était pas parfait. Rien ne vaut, bien sûr, une thyroïde qui fonctionne bien naturellement. Je n’avais alors aucun effet secondaire et n’étais même pas consciente d’être malade !

Avez-vous essayé d’autres méthodes que ces médicaments pour tenter de guérir ? Si oui, lesquelles, et ont-elles été efficaces ?

Non, impossible.

Selon vous, ou selon les soignants que vous avez rencontrés, à quoi est due votre maladie ? S’est-elle déclenchée à un moment particulier de votre vie ?

Les causes probables sont le manque d’iode, les perturbateurs endocriniens et Tchernobyl. Une grande partie de la population pourrait être affectée, sans même en avoir connaissance.

À quel moment et pourquoi le laboratoire a-t-il décidé de changer la formule du Levothyrox ? En a-t-il changé le nom ?

Le laboratoire a changé la formule du Levothyrox en mars 2017. Il semblerait que ce changement ait été décidé en 2012 avec l’accord de l’ANSM. Le laboratoire n’en a pas changé le nom, il a simplement changé le logo sur la boîte.

Avez-vous été prévenue de ce changement de formule par votre médecin, ou autrement ?

Je n’ai été prévenue de ce changement de formule par personne ! J’ai remarqué, lors d’un renouvellement, que le petit papillon qui symbolise la thyroïde sur la boîte, était désormais en inclusion dans un cercle. Le pharmacien m’a répondu qu’il s’agissait seulement d’un changement de “packaging” ! Je n’ai donc pas eu d’inquiétude…

Qu’avez-vous observé en vous après la prise de cette nouvelle formule ? Au bout de combien de temps ?

J’ai commencé cette nouvelle formule en entamant une boîte, sans le savoir. C’était en juin 2017. Alors qu’en temps normal, suite à un changement de dosage ou de traitement, il faut attendre en moyenne 6 semaines pour constater les effets, au bout de quelques jours j’ai commencé à ressentir des malaises de plus en plus variés et graves, notamment des problèmes cardiaques.

Qu’est-ce qui vous a permis de faire le lien entre ces effets et le médicament ? Ont-ils été reconnus et acceptés par votre ou vos médecins ?

Le lien entre les effets et le médicament me semblait être la seule explication logique. J’ai donc eu le réflexe de faire des recherches via Google, à partir du mot « Levothyrox ». Mon endocrinologue a admis le lien dès le 2 septembre 2017 après une consultation exceptionnelle en urgence un samedi à 8h du matin. J’avais eu si mauvaise mine qu’il a eu peur pour moi. Néanmoins, je suis devenue plus réactive et proactive lors des consultations depuis 2017. Mon cardiologue et mon généraliste ont eu le courage d’établir des certificats médicaux pour étayer tous les liens avec les effets secondaires et le lourd parcours du combattant que j’ai endurés pendant deux ans. En revanche, j’ai essuyé le déni et le mépris de nombreux médecins hospitaliers, urgentistes et pharmaciens (entre autres), lesquels voulaient me prescrire plutôt des anxiolytiques ou une aide psychologique.

Ces effets ont-ils été déclarés à un centre de pharmacovigilance ?

Oui, j’ai moi-même fait une déclaration auprès d’un centre de pharmacovigilance, mais c’est très compliqué, surtout quand on va très mal. Par ailleurs le centre était débordé et le système semble plutôt dissuasif.

Avez-vous été la seule à subir ces effets secondaires ? Combien avez-vous été à vous en déclarer victimes ?

Nous étions 3 millions à prendre du Levothyrox, seul traitement pour la thyroïde proposé en France. Apparemment, nous serions au moins un million de victimes et les doléances continuent.

Avez-vous le sentiment d’avoir été entendus par la ministre de la Santé de l’époque Agnès Buzyn et l’ANSM ?

Non, nous n’avons pas été entendus alors que pourtant, nous avons multiplié les échanges. Mme Buzyn n’avait de cesse de répéter « J’assume ».

Qu’avez-vous alors décidé de faire ? De rester seuls dans votre coin, ou de vous unir ?

Nous avons recherché des solutions en urgence et avons décidé, à plusieurs associations de victimes et groupes de malades, de nous unir. Nous avons ensuite reçu le soutien de médecins et avocats. La France a été le premier pays à utiliser et à subir la nouvelle formule du Levothyrox, puis nous nous sommes rapprochés des autres groupes de malades européens.

Pouvez-vous nous dire quand, comment et où s’est organisé le procès collectif contre le laboratoire Merck et l’ANSM ?

La procédure est en cours auprès du tribunal de Marseille. Les plaintes sont individuelles, mais nombreuses et regroupées. Fin décembre 2020, selon notre avocat, le parquet avait déjà reçu plus de 10 000 plaintes par la juge d’instruction et nous a informés : « Compte tenu de l importance du dossier et de son volume, la juge nous a avertis : elle ne sera pas en mesure de clôturer l’enquête avant fin 2022 ».

Avez-vous bon espoir que le résultat du procès soit favorable aux plaignants ?

Oh oui ! Le résultat de l’expertise judiciaire rendue publique en juin 2021 qui a eu lieu suite à toutes les actions collectives et qui a remis en cause le laboratoire Merck et l’ANSM nous donne de l’espoir, même si on sait très bien que certains vont réussir à passer à travers les mailles du filet. De nombreuses fois, les médecins de plateaux et médias nous avaient taxés d’être « hystériques », ou victimes de « l’effet nocebo ».

 

 

 

Existe-t-il un moyen ou des moyens en France de se procurer la première formule du Levothyrox et si oui, lequel ou lesquels ?

Je peux bénéficier de dépannages ponctuels équivalents à l’ancienne formule du Levothyrox sous le nom Euthyrox, « médicament initialement destiné au marché russe et correspondant strictement à l’ancienne formule du Levothyrox ». Dépannages décidés par l’ANSM suite aux demandes désespérées de malades et qui seront possibles jusqu’à fin 2022.

Avez-vous eu vent de médicaments ou autres traitements qui fonctionnent au moins aussi bien que la première formule du Levothyrox ? Lequel ou lesquels ?

J’ai connu l’Eutirox d’Espagne, puis l’Euthyrox d’Allemagne, comme une droguée, en recherche de ses doses. Toujours avec la peur du lendemain au ventre. Traitements que j’ai payés, avec les frais d’envoi en prime, et qui ont provoqué chez moi également des effets secondaires.  À ce jour, même si je vais mieux, je n’ai toujours pas retrouvé mon état normal antérieur à 2017. Je suis fragilisée, avec des séquelles, et ma santé n’est pas encore stabilisée. Le TCAPS, dont nous avons fini par avoir un prix bloqué, n’est toujours pas remboursé. Pour ma part, cela me coûte près de 240€ par an.

Je prends du TCAPS depuis juin 2018. D’autres traitements sont également proposés depuis cette crise sanitaire : L-Thyroxin Henning et Thyrofix en plus du TCAPS. Nous nous sommes battus pour obtenir ces offres.

Si vous pouviez vous adresser aux dirigeants du laboratoire Merck, à nos gouvernants, à l’ANSM ?

Je le répète, le traitement pour la thyroïde est vital ! Il gère tout l’organisme, le dosage est très complexe et nécessite beaucoup de temps. J’ai eu une impression de mort imminente au quotidien pendant des mois. J’ai vécu un cauchemar et subi des humiliations comme les autres victimes. J’ai dû subir de nombreux examens en tous genres et j’ai été confinée sur mon canapé pendant près de deux ans ! J’ai même songé plusieurs fois à faire un testament.

Je n’ai plus confiance. Ma fille subit depuis ses seize ans les lourds effets d’un vaccin, dont bien sûr on ne peut pas prouver le lien avec son état de santé. La période actuelle a un écho très anxiogène en moi…

Avez-vous quelque chose à ajouter ?

Je suis très heureuse qu’une nouvelle action collective ait été lancée cette fois en septembre 2021 contre l’Agence du médicament, et j’espère que toutes les malversations seront un jour mises à nu.
Merci à vous Nexus, de rapporter la parole des victimes et d’alerter sur certains facteurs à risques pour la santé des personnes.

Lire notre article de juin 2021 sur l’affaire du Levothyrox :

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