Assemblee Nationale fin du 49-3 Politique

La suppression du « 49-3 » en débat à l’Assemblée nationale

Une proposition de loi constitutionnelle visant à supprimer le fameux article 49-3, qui permet au Premier ministre de faire passer en force un projet de loi controversé, est en discussion à l’Assemblée nationale. Elle est portée par les groupes de gauche avec, à leur tête, le député écologiste Jérémie Iordanoff.

◆ 23 recours au « 49-3 » sous Élisabeth Borne

Le recours multiple à l’article 49-3 de la Constitution par la Première ministre Élisabeth Borne au cours de son mandat en a ulcéré plus d’un parmi les députés de l’opposition. Notamment au printemps 2023, au moment de la réforme des retraites. Il faut dire qu’en seulement un an, sept mois et vingt-trois jours à la tête du gouvernement, l’ex-Première ministre a utilisé pas moins de 23 fois le fameux article permettant de faire adopter des textes en force à l’Assemblée nationale.

Le 9 mars 2023, Élisabeth Borne n’en était encore qu’à dix utilisations, quand le député écologiste de l’Isère Jérémie Iordanoff a pris l’initiative de déposer une proposition de loi constitutionnelle « pour un article 49 respectueux de la représentation nationale ».

◆ « En finir avec le mécanisme de la législation forcée »

« Il faut ensuite en finir avec le mécanisme de la législation forcée. Le débat fonde notre démocratie. Or, aux premières difficultés rencontrées, le 49 alinéa 3 permet à l’exécutif de liquider la délibération parlementaire. Sans que le Parlement ne puisse se prononcer, le texte est réputé adopté, sauf à ce qu’une motion de censure ne soit déposée et votée dans les conditions impossibles de l’alinéa 2 », souligne l’exposé des motifs de ce texte, présenté par une soixantaine d’autres députés des groupes de gauche.

Cette proposition de loi contient deux articles : le premier vise à renforcer l’alinéa 1 de l’article 49 en rendant clairement obligatoire l’engagement de la responsabilité du gouvernement sur son programme ou sur une déclaration de politique générale ; le second supprime carrément l’alinéa 3.

◆ Rejetée en commission, la proposition sera débattue jeudi dans l’hémicycle

Ce texte a enfin été examiné un an plus tard, ce mercredi 27 mars 2024, en commission des lois de l’Assemblée nationale, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe écologiste. Bien qu’elle ait occasionné de riches discussions sur le fonctionnement démocratique de la France et sur l’équilibre des pouvoirs exécutif et législatif dans notre pays, cette proposition de loi a été rejetée en commission. Elle sera cependant débattue dans l’hémicycle ce jeudi 4 avril lors de la journée du groupe écologiste à l’Assemblée nationale.

◆ Une disposition « problématique », selon la Commission de Venise

Rappelons que suite à l’utilisation répétée du « 49-3 » par Élisabeth Borne, la Commission européenne pour la démocratie par le droit (dite Commission de Venise) avait émis, le 13 juin 2023, un avis critique sur cette disposition de la Constitution française. Pour les rapporteurs, « la question se pose de savoir si l’utilisation de l’article 49-3, dans la mesure où il permet l’adoption d’une loi sans l’approbation finale du Parlement et, dans certains cas, sans une discussion réelle et approfondie de son contenu, viole les principes du pluralisme, de la séparation des pouvoirs et de la souveraineté du législateur ».

La Commission note que « la suppression du vote final d’une chambre du Parlement pour l’adoption d’une loi représente une ingérence significative de l’exécutif dans les pouvoirs et le rôle du pouvoir législatif ». Cette disposition, unique en Europe, est selon elle « problématique ».

◆ Les difficultés posées par la motion de censure

Quant à la motion de censure prévue à l’alinéa 2 de l’article 49, seul moyen à la disposition des députés pour rejeter le projet de loi imposé par l’exécutif, la Commission rappelle que, si elle est votée, « le gouvernement tombe ». En d’autres termes, « l’Assemblée nationale ne vote pas pour ou contre la loi en question, mais pour ou contre le maintien en fonction du gouvernement ». Or, soulignent les rapporteurs, en citant un article de la professeure en droit public Eleonora Bottini, « ce n’est pas la même chose pour les députés de s’opposer à un projet de loi et de renverser le gouvernement, avec toutes les conséquences potentielles (y compris des élections législatives anticipées) ». Pour cette raison, certains députés s’y refuseront, même s’ils sont opposés au projet de loi.

Par ailleurs, la coalition des groupes d’opposition pour adopter cette motion de censure est très difficile à obtenir dans la pratique, bien souvent pour des raisons de « dogmatisme » politique, comme on l’a vu lors de la réforme des retraites. Bref, c’est finalement l’ensemble de l’article᠎ 49 qui serait à supprimer ou à revoir pour être plus « respectueux de la représentation nationale », comme le souhaite la proposition de loi portée par Jérémie Iordanoff.

Article par Alexandra Joutel

 

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