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Machines à voter : des résultats qui manquent de fiabilité et de clarté

Dix jours après la communication des résultats du premier tour de l’élection présidentielle par le Conseil constitutionnel, l’opacité autour des résultats de la soixantaine de communes dotées de machines à voter persiste. Quant aux risques de hacking, ils ne semblent pas envisagés.


Il a été démontré à plusieurs reprises que le vote électronique pouvait être aisément piraté par des informaticiens avertis. 64 villes en France y ont recours : si ce nombre n’est pas un signe de grand succès, les plus de 1 350 bureaux de vote concernés peuvent peser dans la balance en cas de problème technique.

Un manque de lisibilité des données

La maîtresse de conférences Christiane Enguehard déclarait en avril 2021 dans Libération que la machine à voter est « un système de vote totalement opaque. […] S’il y a un bug, on ne peut pas s’en rendre compte. »

Le manque de concordance entre les sources rend l’analyse ardue pour les résultats du premier tour des présidentielles 2022. Base de données gouvernementale comptant les communes dotées de machines à voter commençant à dater (faite en 2012) et reprise par la presse mainstream comme TF1 ; liste du Sénat comptant 1 352 bureaux de vote concernés ; fact checking de Libération affirmant que les données du Sénat datent de 2014 et communiquant des chiffres émanant du ministère de l’Intérieur sans renvoyer vers une source vérifiable ; nombre apparemment mouvant des communes éligibles à ce dispositif (66 pour TF1, 64 pour le Sénat, 63 pour Libération ou 65 pour le gouvernement).

Ce manque de lisibilité interpelle et participe sûrement à l’émergence de rumeurs circulant sur les réseaux sociaux, comme celle indiquant que « 67,2 % des machines votent Macron ». Si, toujours selon Libération, Emmanuel Macron arrive en tête dans 36 villes dotées de machines à voter avec un score moyen de 30,08 %, le journal précise bien qu’ils n’ont pas « le détail des résultats dans chacun des bureaux de vote de ces communes ».

 

 

Caractéristiques du vote électronique

Le Sénat rappelle à la fois les modalités d’utilisation du vote électronique, ainsi que les 64 communes et 1 352 bureaux de vote officiellement concernés.

Le distinguo est bien établi entre le vote au moyen d’une machine à voter et le vote par iInternet, tous deux considérés comme entrant dans la catégorie des votes électroniques. Dans le premier usage, son instauration est autorisée suite à l’agrément d’un représentant de l’État, sur demande de la commune. Les électeurs de la circonscription n’ont pas d’alternative à ce moyen de vote. Les modalités du vote par Internet sont quant à elles plus souples quant au délai et aux alternatives proposées, mais réduites à « [l’]élection des conseillers consulaires et des députés élus par les Français établis hors de France »

 

 

◆ Des communes utilisatrices hétéroclites et relativement disparates

De Condé-sur-l’Escaut (Nord) avec ses 5 machines de vote électronique pour 9 630 résidents à Orange (Vaucluse) comptant 22 machines, la composition et la superficie de ces communes sont hétéroclites et disparates sur l’ensemble du territoire. Le Havre (Seine-Maritime), ville où l’ancien Premier ministre Édouard Philippe a été réélu en 2020, trône en tête du classement avec 144 bureaux de vote. Brest (Finistère), terre historiquement socialiste, suit avec 108 bureaux. L’Île-de-France recense presque un tiers des machines pour environ 20 % de la population nationale.

◆ Un système de votation faillible

La perfectibilité des machines de vote électronique est de notoriété publique depuis plusieurs années. Sans compter le risque que l’on puisse savoir qui a voté quoi…

Les exemples s’accumulent à travers le monde de piratage de ces machines. Un article de L’Obs datant de 2018 revient sur l’événement DefCon qui réunit annuellement les hackers à Las Vegas, lors duquel plusieurs d’entre eux ont réussi à pirater des machines à voter : « Un groupe de hackers a […] expliqué comment il a pu compromettre un appareil de vote en 15 minutes. » Au moins 70 % des machines utilisées cette année-là étaient des modèles utilisés dans les élections américaines. L’élection présidentielle de 2016 avait d’ailleurs déjà été émoussée par un soupçon de fraude dans certains États.

Autre exemple de démonstration de fraude électorale dans un reportage de I-Télé :

 

Des interrogations nombreuses

Face à ces apparentes imprécisions malgré un sujet d’une haute importance démocratique, les questionnements légitimes subsistent : le gouvernement recense-t-il le nombre exact de communes et de bureaux de vote dotés de machines à voter ? Quels sont les résultats précis par bureau de vote ? Sont-ils scrupuleusement contrôlés ? Est-il possible que certains d’entre eux aient été piratés ? Même si les plus de 1,2 million inscrits sur les listes électorales des communes munies de machines à voter représenteraient moins de 3 % des inscrits sur les listes électorales d’après Libération, quand les résultats sont serrés, le moindre pourcentage compte.

Qu’est-ce qui peut bien justifier, à l’aune du second tour des élections présidentielles de 2022, cette absence de transparence et ce déni face à la vulnérabilité de ce mode de scrutin déjà dénoncés en 2012, là où la technologie est censée nous fournir une traçabilité nette et impartiale des données ?

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