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Les pluies diluviennes de Dubaï étaient-elles naturelles ou artificielles ?

Ensemencement des nuages ou dépression extratropicale ? Les avis divergent sur l’origine des fortes précipitations qui se sont abattues mardi dernier sur les Émirats arabes unis et d’autres pays du Golfe persique, provoquant des inondations spectaculaires. Pourtant, en 2022, pour le même phénomène, l’artificialité des pluies avait été reconnue par les autorités locales.

◆ « Le gouvernement avait ensemencé des nuages », selon Bloomberg

Dès le 16 avril dernier, alors que des pluies torrentielles venaient de tomber aux Émirats arabes unis, provoquant d’importantes inondations et la paralysie du pays, l’agence de presse Bloomberg évoquait l’ensemencement des nuages comme l’une des causes de ces précipitations. « Le gouvernement avait ensemencé des nuages dans les jours précédents, bien que les météorologues aient déclaré qu’il était peu probable que cela ait eu un impact significatif sur les précipitations. Les Émirats arabes unis mènent des opérations d’ensemencement depuis 2002 pour résoudre les problèmes de sécurité de l’eau », indiquaient deux journalistes dans un article toujours en ligne.

◆ Des avions avaient décollé la veille et le jour même

Le lendemain, 17 avril, la Radio Télévision Suisse (RTS) s’en faisait l’écho, dans un article qui a été retiré et n’est plus disponible que dans les archives du Web : « Selon plusieurs hypothèses relayées par les agences Bloomberg et au Benelux, les conditions météorologiques extrêmes aux Émirats pourraient être le résultat de pluies générées artificiellement. Le Centre national de météorologie (NCM) a confirmé que des avions avaient décollé lundi et mardi pour influencer la météo. Au moins sept avions ont décollé de l’aéroport international d’Al-Aïn (ouest du pays) entre lundi soir et mardi après-midi pour ensemencer les nuages, c’est-à-dire libérer des produits chimiques dans l’atmosphère afin de favoriser les précipitations. Les avions ont profité des cumulus qui passaient à ce moment-là. »

◆ Une « fake news », selon certains météorologues

Mais dès le jeudi 18 avril, le ton change. Bloomberg publie un article, cette fois-ci signé de l’Associated Press (AP), où des météorologues affirment qu’« avec l’ensemencement des nuages, il peut pleuvoir, mais pas autant que dans le cas des précipitations qui ont inondé les Émirats arabes unis ». L’article précise que « l’ensemencement des nuages, bien qu’il existe depuis des décennies, est encore controversé dans la communauté météorologique, principalement parce qu’il est difficile de prouver l’importance de son impact ».

Même revirement du côté de la RTS, qui donne la parole à un météorologue de MétéoSuisse. Pour lui, ces pluies diluviennes sont dues à « une dépression extratropicale […]. Et sous cette dépression, on a eu de l’air très chaud et humide. Le cocktail est très clair : ça donne des pluies orageuses. Les modèles voyaient très bien cette évolution. » Et l’expert d’ajouter que « l’hypothèse, dans ce cas précis, de l’ensemencement des nuages tient de la fake news » et que « cette technique peut provoquer des précipitations, mais jamais avec l’ampleur de celles qui se sont déversées sur la péninsule Arabique ». Quasiment les mêmes mots que ceux relayés par l’Associated Press…

◆ Un phénomène qui s’est déjà produit

L’hypothèse de l’ensemencement des nuages serait donc une « fake news » et cette technique serait incapable de produire des pluies aussi abondantes.

Pourtant, il s’est produit le même phénomène, au même endroit, en janvier 2022. En 72 heures, il était tombé 150 millimètres de pluie aux Émirats arabes unis, soit l’équivalent de dix-huit mois de précipitations dans ce pays. Certes, c’était moins que la semaine dernière, où il a été mesuré jusqu’à 254 millimètres de pluie, soit l’équivalent de deux ans de précipitations. Mais cela avait également provoqué des inondations et presque autant de dégâts.

◆ L’ensemencement des nuages confirmé en 2022

À cette époque, le correspondant du journal La Croix à Dubaï n’avait pas d’autre explication que l’ensemencement des nuages. Cette cause était même reconnue par les autorités locales. Dans son article du 4 janvier 2022, le journaliste notait : « Selon un responsable du Centre national de météorologie, ces précipitations ont été amplifiées aux Émirats par “l’ensemencement des nuages”. Cette technique, utilisée depuis des années dans le pays, qui consiste à injecter des cristaux de sel dans les nuages, contribue à augmenter la quantité de pluie – et non à la créer. Les autorités ont confirmé que des avions avaient été déployés pour tenter de faire tomber davantage de pluie. En 2021, 299 opérations de ce genre ont été conduites sur l’ensemble du territoire émirien. »

Étrange que, deux ans plus tard, cet argument officiel soit qualifié de « fake news » par des météorologues.

Article par Alexandra Joutel

(Image extraite du journal télévisé de TV5 Monde du 17 avril 2024)

⇒ Pour aller plus loin, lire notre article sur la géo-ingénierie paru dans le n°90 de Nexus (janv.-fév. 2014), désormais en accès libre :

⇒ Lire également notre article « Échiquier climatique, les enjeux cachés » dans le n°118 de Nexus (sept.-oct. 2018) et « Le contrôle du climat, inéluctable ? » dans le n°119 de Nexus (nov.-déc. 2018).

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