Santé

Eau potable polluée aux PFAS : le nouveau défi sanitaire

Depuis mai 2025, la consommation d’eau du robinet est interdite dans plusieurs communes françaises en raison d’importantes concentrations de PFAS, ces substances chimiques surnommées « polluants éternels ». Un problème sanitaire mondial qui ne fait que commencer et pourrait s’amplifier dans les années à venir.

⬥ 28 communes touchées par des interdictions en 2025

Le 25 avril 2025, suite à une alerte lancée par des riverains de l’aéroport Bâle-Mulhouse, la préfecture du Haut-Rhin a annoncé l’interdiction de consommer l’eau du robinet pour les personnes sensibles (personnes âgées, jeunes enfants, malades, femmes enceintes) dans 11 communes de l’agglomération de Saint-Louis. La raison : un niveau élevé de PFAS (ou « polluants éternels ») trouvé dans l’eau de consommation.

Voir notre reportage vidéo du 07/06/2025 :

Après la mise en place de filtres à charbon actif sur certains sites de captage, de nouvelles analyses aux résultats conformes à la réglementation ont permis à la préfecture d’annoncer une levée partielle de l’interdiction, le 9 septembre dernier.

Mais durant l’été, 13 communes des Ardennes et 4 de la Meuse (appartenant au même secteur) ont également subi une interdiction de consommation de l’eau du robinet, pour la même raison. Cette interdiction n’est toujours pas levée à ce jour.

⬥ Un phénomène qui touche toutes les régions

Le problème des PFAS dans l’eau potable n’est pas nouveau. Parmi les antécédents, on peut notamment citer la fermeture de captages d’eau à Coadernault, dans les Côtes-d’Armor (juillet 2024) ou à Rumilly en Haute-Savoie (novembre 2022). Toutes les régions peuvent être touchées.

En janvier 2025, une enquête publiée par l’association de défense des consommateurs UFC-Que Choisir, en partenariat avec l’ONG Générations futures, avait de quoi faire frémir. Elle révélait la présence de plusieurs « polluants éternels » dans l’eau du robinet de dizaines de communes, dont certains à des concentrations très élevées.

⬥ Des milliers, voire des millions de types de PFAS identifiés

Largement utilisés depuis les années 1950 dans diverses applications industrielles et pour la fabrication d’objets de la vie courante, les PFAS (ou substances per- et polyfluoroalkylées) désignent une famille de composés chimiques synthétiques, caractérisés par une liaison très stable entre le carbone et le fluor. Cette stabilité fait qu’ils se dégradent très peu dans l’environnement et peuvent persister des décennies, voire des siècles.

En 2018, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) dénombrait 4 730 PFAS différents identifiés. Mais en 2021, l’organisation a revisité et élargi sa définition des PFAS, si bien qu’en 2023, PubChem, l’une des plus grandes bases de données ouvertes sur les structures chimiques, recensait plus de 7 millions de PFAS dans ses collections…

⬥ Le seuil réglementaire adopté par la France est-il adapté ?

La détection et la quantification des PFAS demeurent complexes, et seules quelques dizaines de ces substances sont recherchées et surveillées sur le plan sanitaire. La nouvelle directive européenne « Eau potable » de 2020, qui entrera en vigueur au 1er janvier 2026, mais est déjà appliquée par la France depuis 2023, en a retenu vingt, considérés comme faisant partie des plus préoccupants pour la santé (PFOA, PFOS, PFNA, PFHxS…).

Le laboratoire de l’UFC-Que Choisir a, pour sa part, pu traquer jusqu’à 33 de ces composés chimiques. Les tests ont porté sur l’eau du robinet de 30 communes françaises, aux tailles et aux situations géographiques variées. Les résultats ont révélé une présence de PFAS pouvant aller jusqu’à onze substances différentes dans l’eau de certaines communes. « Certes, les niveaux mesurés restent inférieurs au seuil réglementaire retenu à ce jour par la France. Mais celui-ci est-il adapté ? » s’interrogent les auteurs de l’enquête.

⬥ D’autres pays sont beaucoup plus stricts

En effet, la France a choisi d’utiliser le seuil réglementaire retenu par l’UE, fixé à 100 nanogrammes de PFAS par litre. Mais de nombreux échantillons analysés ne seraient plus conformes si l’on appliquait les seuils beaucoup plus stricts adoptés par les États-Unis (4 ng/L pour le PFOA et le PFOS) ou des pays du nord de l’Europe comme le Danemark (2 ng/L pour la somme de tous les PFAS détectés dans un échantillon).

Des pays européens comme le Danemark ou l’Italie ont choisi de surveiller davantage de PFAS que les 20 préconisés par l’UE. Plusieurs pays ont également fixé des seuils réglementaires plus stricts que ceux de l’UE et de la France. (Extrait d’un rapport de 2023 publié par l’European Environmental Bureau, réseau européen d’organisations de citoyens environnementaux)

⬥ Des concentrations affolantes de TFA

Plus inquiétante est la concentration en acide trifluoroacétique (TFA) trouvée dans plusieurs des eaux soumises au laboratoire. À l’heure actuelle, ce composé ne fait pas partie de la liste des PFAS surveillés. Pourtant, dans 20 des 30 échantillons analysés, la concentration en TFA dépassait le seuil réglementaire, et parfois de loin : 2 600 ng/L à Buxerolles dans la Vienne, 6 200 ng/L à Paris et jusqu’à 13 000 ng/L à Moussac dans le Gard.

Cette pollution au TFA provient essentiellement de la dégradation dans l’environnement d’un herbicide très utilisé en France (et en Europe) dans la culture du blé et de l’orge : le flufénacet. Autorisé dans l’Union européenne depuis 2004, ce produit a fini par être classé comme perturbateur endocrinien en septembre 2024 par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), ce qui a conduit à son interdiction dans l’UE à compter du 15 juin 2025 (avec cependant un délai de 18 mois pour écouler les stocks).

⬥ Les communes prises au piège

Malgré cette notable mais tardive avancée, l’acide trifluoroacétique n’est pas près de disparaître de nos sous-sols et de nos nappes phréatiques. Sans parler des autres PFAS. La seule solution pour les communes est donc d’investir dans des unités de traitement à charbon actif, dont le coût est élevé.

Selon une enquête publiée dans Mediapart en mars 2025, celle de Rumilly (ville de 16 000 habitants) a représenté un investissement initial de « plus de 1 million d’euros hors taxes, auquel s’ajoute un coût annuel de fonctionnement de 360 000  ». Dans cette commune, il est également recommandé de ne pas consommer l’eau non filtrée des puits privés de particuliers, ni d’arroser les potagers avec, et de ne pas consommer les poissons pêchés dans la rivière le Chéran.

Vu l’ampleur mondiale du phénomène de pollution aux PFAS, ce type de mesures pourrait tous nous concerner à l’avenir. Et les eaux minérales en bouteille ne sont pas épargnées.

Article par Alexandra Joutel

(Image principale par Karolina Grabowska de Pixabay)

Lire notre dossier « Êtes-vous sûr de l’eau que vous buvez ? » paru dans le n° 160 du magazine Nexus (sept.-oct. 2025) actuellement en kiosque.

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