Technologie

Une IA intègre une promotion d’étudiants : jusqu’où ira l’école ?

Une première en France : en septembre prochain, une école d’ingénieurs française intégrera une IA, Milo, dans une promotion d’étudiants de première année. Présenté comme un « étudiant » à part entière, Milo assistera aux cours, participera aux projets et interagira avec les élèves humains. Ce qui aurait pu relever de la science-fiction devient donc réalité. Tandis que certains saluent cette innovation, cette initiative soulève aussi des interrogations et des inquiétudes.



Milo, l’IA qui va en cours

Milo n’est pas un simple assistant conversationnel IA. Présent physiquement en classe, il prend la forme d’une intelligence artificielle hébergée sur une interface visible dans la salle — comme un écran — et non pas d’un robot articulé. Il assistera aux cours, s’installera dans les amphithéâtres, échangera avec les enseignants et s’impliquera dans la vie quotidienne du campus, assistant les étudiants, facilitant les échanges et aidant à organiser des événements. Selon le site officiel de l’école, « Milo apprend aux côtés des étudiants, sans les remplacer ».

L’objectif affiché ? Créer un « compagnon pédagogique » pour les étudiants et les enseignants. Une IA non pas comme outil d’arrière-plan, mais comme un interlocuteur quotidien. 

Ce que ses promoteurs en attendent

L’IA Milo est développée par des enseignants, chercheurs et étudiants de l’ECE, au sein de leur Intelligence Lab, qui privilégie officiellement les IA open source, souveraines et « frugales » – c’est-à-dire peu gourmandes en énergie. Selon ses promoteurs, Milo permettra notamment de soutenir les étudiants en difficulté, en reformulant ou expliquant certains cours en complément des enseignants. Elle libérera du temps pour la créativité en automatisant des tâches répétitives, et préparera les futurs ingénieurs à collaborer avec des IA, tout en stimulant leur esprit critique.

◆ Des précédents dans le monde : une première française… et mondiale ?

Selon François Stephan, directeur général de l’ECE, également ingénieur, Milo représente une première mondiale, en raison de son intégration physique et sociale directe dans une promotion étudiante.

Des initiatives similaires ont toutefois émergé ailleurs ces dernières années.

En Autriche, à l’université des arts Appliqués de Vienne, une IA nommée Flynn a été acceptée dans un cursus de digital arts. Elle assiste aux cours, soumet des travaux et participe aux discussions.

Aux États-Unis, la Ferris State University (Michigan) a inscrit deux IA, Ann et Fry, comme « étudiantes » dans des cours de sciences humaines et d’informatique. Elles y suivent les cours en ligne, soumettent des devoirs, interagissent avec les enseignants — tout en étant identifiées comme des entités non humaines.

Cependant, aucun de ces projets n’a encore exploré une intégration physique, sociale et pédagogique aussi poussée que celle prévue pour Milo. La France entre donc dans un mouvement mondial… mais en poussant la logique plus loin.

Un avenir automatisé de l’enseignement ?

Ce projet n’est pas un simple gadget expérimental. Il pose des jalons. Demain, si une IA peut être élève, pourquoi ne pourrait-elle pas aussi enseigner ? Corriger des examens ou évaluer des étudiants ? Ces fonctions sont déjà, partiellement, automatisées dans certaines plateformes d’éducation. Par exemple, en France, la startup Examino automatise déjà la correction des copies manuscrites grâce à l’IA.

Mais cela pose une question plus large : quelle valeur restera-t-il à l’apprentissage humain lorsque la machine pourra suivre le même parcours, sans fatigue ni doute, avec une efficacité croissante ? Acceptera-t-on demain des cursus composés d’élèves humains assistés d’IA, enseignés par des IA, évalués par d’autres IA ? Qui choisira-t-on entre un être humain et une IA si cette dernière surpasse ses homologues humains dans certaines tâches ?

Et au-delà : Milo touchera-t-elle un jour un salaire ? Obtiendra-t-elle un diplôme ? Sera-t-elle recrutée ? À quel moment passera-t-on d’un « outil »  à une entité reconnue dans le système éducatif et professionnel ?

Quel avenir pour l’apprentissage humain ?

L’arrivée de Milo marque un tournant symbolique : il incarne une vision du monde où les IA prennent peu à peu place dans nos institutions sans qu’un vrai débat collectif ait lieu.

Loin d’être anecdotique, cette rentrée soulève une interrogation fondamentale : jusqu’où voulons-nous laisser les machines entrer dans nos vies, nos classes, nos esprits ?

Journaliste : Estelle Brattesani

(Images de Milo tirées de la vidéo de présentation de Milo par l’ECE)

 

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