Intelligence artificielle et transition énergétique sont-elles compatibles ?
Dans son dernier rapport environnemental publié ce mardi 2 juillet, Google annonce que ses émissions de CO2 ont explosé en 2023 et qu’il lui sera difficile d’atteindre son objectif de zéro émission nette d’ici à 2030. La faute à l’intelligence artificielle, grande consommatrice d’énergie. Mais dans le même temps, l’entreprise fait de l’IA le pilier de la transition énergétique…
◆ +48 % d’émissions de CO2 en cinq ans
Le rapport environnemental 2024 de Google ? Tout le monde s’en fait le relais depuis sa publication ce mardi 2 juillet, mais impossible de mettre la main dessus. Sur la page des documents mis en ligne par le géant américain, nous n’avons trouvé que celui de 2023. Il faudra donc se contenter de ce qu’en disent les différents médias, sans pouvoir vérifier les informations à la source. Dommage.
D’après Courrier international, qui cite lui-même un article du Financial Times, ce rapport 2024 révélerait « que les émissions de CO2 de Google ont augmenté de 13 % l’année dernière et de 48 % au total en cinq ans, pour s’élever en 2023 à 14,3 millions de tonnes équivalent carbone ». De quoi remettre sérieusement en question l’objectif de zéro émission nette que l’entreprise s’était fixé pour 2030.
◆ L’IA, gouffre énergétique…
Ce mauvais résultat est « dû essentiellement à la hausse de la consommation en électricité de nos data centers », préciserait le document. En bout de ligne, la faute en reviendrait surtout à l’intelligence artificielle et, plus particulièrement, à l’IA générative (de type ChatGPT), très énergivore, que ces centres de données alimentent. « À mesure que nous intégrons l’IA à nos produits, réduire nos émissions peut s’avérer difficile en raison des besoins croissants en énergie dus à la hausse de l’intensité en calcul informatique liée à l’IA », note encore le rapport.
Cependant, Google dit vouloir maintenir son objectif de décarbonation, même si celui-ci s’avère désormais « très ambitieux », compte tenu de « l’incertitude quant aux répercussions environnementales futures de l’IA, complexes et difficiles à prévoir ».
D’après un article de l’AFP repris par Boursorama, Microsoft, qui s’était fixé le même objectif que Google à horizon 2030, aurait également enregistré une augmentation de 29 % de ses émissions de CO2 entre 2020 et 2023, à cause de la construction de nouveaux data centers.
◆ … mais alliée de la transition énergétique
Malgré sa voracité énergétique manifestement plus importante que prévu (à laquelle il faut ajouter les énormes besoins en eau nécessaires pour refroidir les centres de données), l’IA n’en reste pas moins, selon le rapport de Google, la solution d’avenir pour lutter contre le changement climatique. Sur le site ESG News, à tendance promotionnelle, il est mis en avant les points positifs de ce rapport et l’utilité de l’IA en matière d’innovations environnementales. Ainsi, par exemple, les itinéraires économes en carburant proposés par Google auraient permis la réduction de plus de 2,9 millions de tonnes métriques d’émissions de GES depuis 2021. La prédiction des inondations sept jours à l’avance aurait aidé plus de 460 millions de personnes dans le monde. « En tirant parti de la technologie, Google vise à répondre au besoin urgent de transition énergétique et d’action climatique », indiquerait le rapport.
◆ Défis et paradoxes
En définitive, ce rapport est très représentatif de la vision du monde défendue par les géants de la Silicon Valley et de personnalités comme Klaus Schwab, le fondateur du World Economic Forum (Forum économique mondial). D’un côté, il y a selon eux des défis à relever, en particulier celui du changement climatique, dont on considère que les émissions de gaz à effet de serre sont responsables. De l’autre, il faut maintenir la croissance et tout miser sur l’innovation technologique, notamment pour relever ce défi (smart cities, agriculture 2.0, voitures électriques connectées…).
Et puis, il y a la réalité. En l’occurrence, l’IA génère pour l’instant plus d’émissions de gaz à effet de serre qu’elle ne permet d’en réduire via les gadgets qu’elle sert à faire fonctionner. Selon une étude citée par Ekwateur, l’entraînement de ChatGPT-3 pour l’Université de Copenhague représenterait 700 000 km de conduite automobile en équivalent CO2. L’IA sera par ailleurs difficile à verdir. « En Arabie saoudite, en Irlande ou en Malaisie, par exemple, l’énergie nécessaire pour faire fonctionner à plein régime les centres de données dont la construction est prévue dépassera l’offre disponible en énergies renouvelables », explique ainsi un article de Bloomberg cité par Courrier international.
Pour autant, on comprend à travers le rapport environnemental de Google que ce n’est pas l’IA qui sera remise en question, mais bien les objectifs de décarbonation que l’entreprise américaine s’était fixés, tout en se prétendant très attachée au développement durable. Étrange paradoxe… ou mascarade écologique ?
Article par Alexandra Joutel
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