
Vers des sanctions financières pour les salariés grippés non vaccinés ?
Le 9 juillet dernier, parmi ses propositions visant à réduire les dépenses de santé de la Sécurité sociale, le Medef s’est dit favorable à la vaccination contre la grippe en entreprise, allant jusqu’à suggérer de diminuer, voire de supprimer les indemnités journalières et les compléments de salaires pour les travailleurs grippés et non vaccinés en arrêt maladie. L’objectif du Medef serait aussi de lutter contre l’absentéisme. Cette mesure serait-elle vraiment efficace ?
◆ Punir les récalcitrants
« Se faire vacciner contre la grippe participe à la santé publique. C’est un exercice collectif que nous faisons pour protéger les autres. […] Quand une personne a décidé délibérément de ne pas participer à l’exercice de protection de santé publique, est-il normal que la totalité de sa rémunération soit assumée par l’Assurance maladie et son employeur ? » La question posée par le vice-président du Mouvement des entreprises de France (Medef), Yves Laqueille, le 9 juillet dernier, lors de la présentation par l’organisation patronale de sa centaine de propositions visant à réduire les dépenses de santé de la Sécurité sociale, a le mérite d’être sans détour, à défaut d’être consensuelle.
◆ La vaccination diviserait par 2,4 le taux d’absentéisme
« Nous mettons le sujet en discussion, mais ce n’est peut-être pas pour demain », a néanmoins ajouté Yves Laqueille, selon des propos rapportés par BFMTV. Les recommandations du Medef se limitent pour l’instant à « généraliser la vaccination en entreprise, notamment la grippe », à « engager une réflexion sur les incitations à prévoir auprès des salariés » et à « prévoir la prise en charge à 100 % par l’Assurance maladie des vaccins importants ciblés par des campagnes nationales ».
Selon les chiffres de l’organisation patronale, 67 % des salariés se sentiraient plus sereins si leur entreprise menait une campagne de prévention contre la grippe et ce serait un « critère décisif » pour 42 % des candidats postulant dans une entreprise… Le Medef affirme quant à lui que la vaccination en entreprise permettrait d’éviter 4,6 jours d’absence par salarié et diviserait le taux d’absentéisme par 2,4 en moyenne.
◆ Une étude déroutante de la clinique de Cleveland
Encore faudrait-il que la vaccination antigrippale soit efficace. Une étude publiée en avril dernier sur le site MedRxiv par la clinique de Cleveland, dans l’Ohio, considérée comme l’un des meilleurs centres hospitaliers des États-Unis, peut en faire douter. Dans cette étude, 53 402 employés d’un hôpital américain ont été suivis pendant 25 semaines, lors de la saison grippale 2024-2025. 43 857 d’entre eux (82,1 %) ont été vaccinés contre la grippe en début de période. Au final, 1 079 personnes (2,02 % de l’ensemble) ont rapporté une grippe confirmée par PCR. Parmi les malades, les vaccinés étaient significativement plus nombreux que les non-vaccinés, comme le montre ce graphique publié sur X par la pharmacienne biologiste Hélène Banoun.
◆ Un risque de contracter la grippe accru de 27 % chez les vaccinés
Contacté par l’AFP en avril dernier, le spécialiste en santé publique et en épidémiologie Antoine Flahault n’a pu que confirmer ce résultat : « Ils furent autant à avoir la grippe entre les vaccinés et les non-vaccinés dans les phases précoces de l’épidémie, puis davantage chez les vaccinés que chez les non-vaccinés à la fin de l’étude. […] Au final, le risque de contracter la grippe était accru de 27 % chez les vaccinés par rapport aux non-vaccinés. »
Cependant, ces résultats « ne suggèrent pas que la vaccination augmente le risque de grippe », a souligné la porte-parole de la clinique de Cleveland, Andrea Pacetti, également contactée par l’AFP. Comme l’indique en effet la conclusion de l’étude, ils ne font que « suggérer que le vaccin n’a pas été efficace dans la prévention de la grippe » pour cette saison 2024-2025, chez les adultes en âge de travailler. C’est le moins que l’on puisse dire !
◆ Une efficacité vaccinale très aléatoire selon les saisons
Il se trouve que les adultes en âge de travailler sont justement la population visée par la proposition du Medef pour lutter contre l’absentéisme professionnel… Pas sûr que la vaccination antigrippale y aurait contribué en 2024-2025.
Rien de sûr non plus pour les saisons à venir, l’efficacité de cette vaccination étant très variable d’une année sur l’autre, allant de 19 % à 60 %, selon les chiffres publiés sur 15 ans par les Centres de contrôle et de prévention des maladies américains (CDC).
On note d’ailleurs avec étonnement une efficacité estimée à 56 % pour la dernière saison, alors que l’étude de Cleveland semble prouver le contraire… Peut-être le vaccin a-t-il été plus efficace dans d’autres catégories de la population que celle observée par le centre médical universitaire américain, par exemple chez les personnes âgées ?
◆ Les malades vaccinés seraient aussi plus contagieux
Une autre étude relayée par Hélène Banoun, et datant de 2018, révèle que les personnes vaccinées contre la grippe, lorsqu’elles sont infectées, peuvent excréter jusqu’à six fois plus de particules virales que les personnes non vaccinées. En d’autres termes, sur l’échantillon observé, non seulement le vaccin n’a pas été efficace contre la maladie, mais les personnes vaccinées étaient plus susceptibles que les non-vaccinées de contaminer les autres.
Peut-on alors, comme le fait le vice-président du Medef, reprocher aux non-vaccinés de ne pas participer à l’« exercice collectif » consistant à « protéger les autres » ? À méditer.
Article par Alexandra Joutel
(Image principale par Gustavo Fring sur Pexels)
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