Technologie

Meta débauche en série chez OpenAI : la guerre des experts en IA s’intensifie

Meta a récemment recruté plusieurs chercheurs clés d’OpenAI – Lucas Beyer, Alexander Kolesnikov et Xiaohua Zhai – qui ont tous accepté de rejoindre le groupe, renforçant ainsi la compétition entre ces géants de l’intelligence artificielle. Ce phénomène soulève des interrogations éthiques et sécuritaires liées à l’accélération des avancées technologiques et à la concentration croissante des ressources nécessaires au développement de ces technologies.

Quelques références à avoir

OpenAI est une organisation créée en 2015, qui développe des technologies d’intelligence artificielle, notamment connue pour ses modèles de langage comme ChatGPT. Elle affirme vouloir progresser vers une intelligence artificielle générale, tout en se confrontant aux défis liés à son usage et à ses impacts potentiels.

Meta est la maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp. L’entreprise investit depuis plusieurs années dans l’intelligence artificielle et le métavers – un univers numérique immersif et interactif accessible via Internet –, cherchant à renforcer sa position sur ces secteurs via sa division de recherche FAIR.

Google DeepMind est une filiale de Google spécialisée dans la recherche en intelligence artificielle. Elle est connue pour ses travaux en apprentissage automatique, notamment avec des projets comme AlphaGo. Plusieurs chercheurs importants ont circulé entre DeepMind, OpenAI et Meta, créant ainsi des liens étroits entre ces acteurs dans le domaine de l’IA.

Des offres colossales pour séduire les plus prisés

Ce recrutement s’inscrit dans une stratégie agressive de Meta pour attirer les profils les plus prisés du secteur. Selon plusieurs sources, des chercheurs auraient reçu des propositions pouvant aller jusqu’à 100 millions de dollars pour rejoindre le groupe. L’un des profils concernés, Lucas Beyer, a toutefois démenti publiquement avoir touché un tel montant, évoquant une exagération médiatique.

Certains articles estiment que les packages complets (salaires, stock-options, primes) pourraient atteindre jusqu’à 300 millions de dollars sur quatre ans pour certains profils très stratégiques.

Une cellule dédiée à la « superintelligence »

Ces recrutements alimentent une nouvelle initiative lancée par Mark Zuckerberg : un groupe de recherche interne sur la superintelligence, qui vise à développer une intelligence artificielle générale (AGI) capable de performances supérieures à l’humain dans de nombreuses tâches, comme la compréhension du langage naturel (capacité à interpréter et répondre au langage humain), la résolution de problèmes complexes (gestion de réseaux, analyse de données, planification stratégique) ou encore la prise de décisions autonomes sans supervision humaine directe…

L’acquisition stratégique de Scale AI

Dans cette même logique, Meta a récemment pris une participation de 49 % dans Scale AI, une entreprise spécialisée dans l’annotation de données en y investissant plus de 14 milliards de dollars. Alexandr Wang, le fondateur de Scale AI, a lui aussi été recruté pour diriger des initiatives d’envergure au sein de Meta.

Précisions : l’annotation de données consiste à étiqueter ou marquer des éléments spécifiques dans un grand volume de données (images, textes, vidéos, sons, etc.) afin que les modèles d’intelligence artificielle puissent les reconnaître et apprendre à les interpréter correctement. Par exemple, annoter des images avec des indications sur ce qu’elles contiennent (objets, personnes, actions) permet à l’IA d’améliorer ses capacités de reconnaissance visuelle.

Lire notre dossier « Big Brother arrive en France » paru dans le n° 146 (mai-juin 2023) :

OpenAI insiste sur son engagement éthique face à la concurrence

Suite à l’annonce de ces recrutements et des ambitions de Meta dans le domaine de l’intelligence artificielle, le cours de l’action de l’entreprise a atteint un niveau record, selon Investors.com.

Face à cette offensive de Meta, OpenAI  s’est montrée critique. Dans un message interne relayé par Wired, Sam Altman, le PDG d’OpenAI, oppose l’engagement éthique de son entreprise aux logiques davantage axées sur le profit : « Les missionnaires l’emporteront sur les mercenaires. »

Mark Chen, directeur de la recherche chez OpenAI, a été plus virulent, accusant Meta d’un « vol d’idées », selon Le Figaro. Ces prises de parole traduisent une tension croissante entre les deux entreprises, toutes deux engagées dans la course mondiale à l’AGI.

Les risques d’une course effrénée aux talents en IA

Cette compétition intense pour recruter les meilleurs experts favorise le développement rapide de nouvelles technologies, mais soulève aussi des inquiétudes majeures. La concentration des talents dans quelques grandes entreprises peut limiter la variété des approches dans le monde de la recherche, et la pression pour accélérer le développement risque de pousser au déploiement prématuré de technologies encore mal maîtrisées, augmentant les risques de failles sécuritaires ou d’usages abusifs. Par ailleurs, la rivalité peut exacerber les tensions internes, fragilisant ainsi la collaboration et favorisant les fuites d’informations sensibles.

Certains de ces risques se sont déjà matérialisés. En 2023, OpenAI a connu une fuite interne d’informations sensibles, révélant les défis et dangers liés à la sécurité dans ce contexte concurrentiel.

Interrogations éthiques

Alors que les investissements et la course aux talents dans le domaine de l’intelligence artificielle s’intensifient, plusieurs interrogations se posent quant à la direction que prend cette technologie. La concentration d’un pouvoir technologique croissant entre les mains de quelques acteurs majeurs soulève des questions sur la gouvernance, la transparence et le contrôle de ces outils. Quels seront les impacts sociétaux d’une IA toujours plus performante et autonome ? Comment assurer que son développement reste aligné avec les valeurs humaines et la sécurité globale ? Ces enjeux appellent une réflexion approfondie, alors que le rythme des avancées semble s’accélérer sans cadre clair ni consensus international.


Article par Estelle Brattesani

(Image principale par Kohji Asakawa de Pixabay)

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