Énergie

La France envisage-t-elle de troquer de l’eau contre des hydrocarbures ?

Invité chez Sud Radio en avril 2023, Alain Houpert, sénateur de la Côte-d’Or, en Bourgogne, membre de la commission des affaires étrangères, laissait sous-entendre que la France envisagerait ou aurait déjà commencé des envois d’eau douce à l’étranger contre des hydrocarbures. Une information démentie formellement par le ministère de la Transition écologique qui a affirmé qu’il ne soutenait pas ce projet. Mais en soutient-il d’autres ?

◆ Une affaire qui date d’octobre

« Nous allons envoyer l’équivalent de la consommation d’eau annuelle des Français au Moyen-Orient », déclarait Alain Houpert en avril 2023 au micro d’André Bercoff, qui rappelle que cette affaire avait été mise en lumière par Marianne en octobre 2022. Le 11 octobre 2022, Christophe Béchu, le ministre de la Transition écologique, confirmait à l’Assemblée nationale : « Oui, il y a eu des rencontres au sommet de l’État pour discuter de la possibilité d’échanger de l’eau douce française contre des hydrocarbures à l’étranger. »

Alain Houpert cite les données évoquées dans l’article : 19 tankers de 200 000 m3 d’eau douce en passe ou en train de quitter chaque jour Fos-sur-Mer, ainsi que 48 tankers de 80 000 mètres cubes partant de Martigues : « Nous sommes en manque d’eau et allons expliquer à toutes ces communes rurales qui se font livrer par des citernes qu’on va envoyer des tankers en Arabie Saoudite, au Moyen-Orient, consommer des ressources vitales. »

◆ Une eau qui serait trop abondante

Selon Radio France, toujours en octobre 2022, la journaliste qui a enquêté sur l’affaire dans Marianne explique l’origine de l’idée portée par le négociant pétrolier Xavier Houzel : « Dans les Alpes du Sud, l’eau de la Durance et du Verdon alimente une centrale hydroélectrique dans la ville de Saint-Chamas avant de se jeter dans l’étang salé de Berre. Problème […] cette eau douce bouleverse totalement l’écosystème de l’étang. Les écologistes ont bataillé pendant plusieurs décennies pour que la centrale déverse moins d’eau dans le bassin. Les promoteurs du projet proposent donc que ce surplus d’eau douce soit exporté et échangé contre du pétrole ou du gaz. »

Un projet encore incertain mais néanmoins « sur la table », vivement critiqué par des représentants politiques comme Gabriel Amard, de la France insoumise, qui a exigé l’abandon du projet.


◆ Un démenti officiel

Six mois plus tard, après l’intervention de M. Houpert chez Sud Radio qui a remis cette histoire sur le tapis, CheckNews de Libération a contacté le ministère, qui lui a affirmé : « Le gouvernement ne soutient pas ce projet de troc d’eau et d’hydrocarbures et n’y a jamais accordé de soutien. Les conseillers ministériels reçoivent tous les porteurs de projet qui en font la demande. Cela ne signifie pas que le gouvernement soutient tous les projets après instruction. »

Questionné par ce même média, M. Houpert aurait admis que ce troc ne serait plus « à l’ordre du jour », et que les informations qu’il a fournies pendant l’entretien « sont au conditionnel ». Il aurait voulu alerter sur « la déconnection de notre haute administration française, qui se permet d’envisager de tels projets ».

Nous avons contacté le ministère de la Transition écologique qui a confirmé qu’il ne soutenait pas ce projet. Nous en avons profité pour lui demander si le gouvernement soutenait d’autres projets de trocs d’eau en cours ou à venir, ou s’il envisageait de le faire, et si oui, lesquels. Sa réponse : « Le Gouvernement ne soutient aucun projet de ce type ».

Article par Estelle Brattesani

 

Photo principale du barrage de Chamas trouvée sur Wikipédia

 

👉 Lire notre article sur l’eau-mère dans notre dossier du numéro 142 (septembre-octobre 2022) :

 

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