Technologie

Le portefeuille d’identité numérique européen pourrait entrer en vigueur sans le vote du Parlement

Le portefeuille d’identité numérique entre dans sa phase de concrétisation à l’échelon européen. Après que la Commission a révélé l’architecture technique qui soutiendra les différents pilotes, et que de gigantesques consortiums industriels ont été choisis pour les construire, le portefeuille d’identité numérique est à présent entre les mains des institutions européennes, et pourrait se passer d’un vote au Parlement.

La loi sur le portefeuille d’identité numérique entre ce printemps en phase de « trilogue », c’est-à-dire en négociations interinstitutionnelles, entre le Parlement, la Commission et le Conseil européens. Attendu initialement en mars pour être soumis au vote des eurodéputés en assemblée plénière, le paquet de lois sur les possibilités permises par le prochain portefeuille numérique européen pourrait se passer de cette étape et être négocié au plus haut niveau des institutions européennes sans l’avis des députés.

◆ Quand le règlement de l’UE permet de s’affranchir de la démocratie…

En vertu du règlement du Parlement européen (article 71, alinéa 1), le comité parlementaire chargé du dossier sur l’identité numérique (en l’occurrence, le comité ITRE compétent sur les questions industrielles) a voté à la majorité de ses membres, un mandat pour faire entrer la loi sur le portefeuille digital directement en négociation, sans passer par un vote des députés.

Ainsi, la loi sur le portefeuille d’identité numérique européen pourra continuer son parcours législatif entre la Commission européenne (gouvernement exécutif) et le Conseil européen (représentation des États membres), et s’affranchir de l’avis du Parlement, seul organe représentatif des citoyens européens, pourtant les premiers concernés par la loi.

Une demande de recours a été lancée par le député conservateur hollandais Rob Roos. Si cette demande est signée par un nombre suffisant de députés, alors un vote en plénière devra avoir lieu au mois d’avril. Ce recours sera déposé mardi 14 mars et la décision rendue jeudi 16 mars.

◆ Un portefeuille numérique aux possibilités multiples

Le portefeuille d’identité numérique est dans les cartons de l’Union européenne (UE) depuis plus d’un an et demi. En juin 2021, le règlement sur le droit digital (règlement eIDAS) a été modifié pour inclure le cadre légal du prochain portefeuille numérique européen.

« C’est passé comme une lettre à la poste », se souvient Virginie Joron, eurodéputée française issue du Rassemblement national et membre du groupe « Identité et Démocratie » au Parlement européen.

Dès lors, trois avancées majeures ont eu lieu. D’abord, un groupe opaque d’experts  de la Commission européenne a imaginé l’architecture de référence qui soutiendra les portefeuilles digitaux et les rendra interopérables. Puis, deux gigantesques consortiums d’industriels (POTENTIAL et NOBID) ont été choisis par la Commission pour construire les premiers pilotes.

Ainsi, ce portefeuille numérique, application mobile ancrée dans votre téléphone sur une nouvelle génération de cartes SIM, contiendra vos données civiles et biométriques (empreinte digitale, photo…), permettra d’héberger votre dossier médical partagé et y recevoir vos ordonnances électroniques, donnera accès aux services bancaires et gouvernementaux (impôts, prestations sociales, services préfectoraux, etc.), contiendra votre permis de conduire digitalisé et potentiellement tout document et certificat important (diplômes, attestations d’assurance, etc.). Enfin, le portefeuille numéirique devra pouvoir servir de terminal de paiement, via la connectivité NFC des téléphones portables, et sera compatible avec le prochain euro digital.

◆ Quand la technologie supplante la démocratie

Alors que cette technologie rend possible des usages liberticides en cas d’un partage trop permissif des données entre les différents compartiments du portefeuille numérique, et offrirait aux États une connaissance quasi exhaustive des usages et comportements de leurs administrés, les garde-fous légaux sont importants pour empêcher un dévoiement de la technologie en outil de contrôle politique. D’autant que les entreprises qui co-construisent les premiers pilotes de portefeuilles numériques, comme les français Thales ou Idemia, sont déjà à la pointe des technologies de surveillance.

De plus, l’architecture qui surplombera les différents portefeuilles numériques propose d’affubler tous les citoyens européens d’un identifiant unique qui semble pouvoir être traçable par les fournisseurs des portefeuilles numériques (les États membres a priori).

Enfin, si cette technologie pourrait effectivement permettre un contrôle citoyen accru sur ses données et la manière dont il consent – ou non – à les partager, il est nécessaire que le cadre légal le prévoie en amont. Il semblerait cette fois-ci que la technologie ait été définie avant que le processus légal ait fait son travail de contre-pouvoir.

Deux grands dossiers législatifs sont attendus cette année sur le plan européen : le nouveau cadre légal concernant l’intelligence artificielle et le nouvel espace européen des données de santé. Tous deux seront décisifs pour baliser les possibilités des prochains portefeuilles numériques, dont les premiers pilotes sont attendus en 2025.

 

Article par Hermine Le Quellec

 

Image par ar130405 sur Pixabay

 

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