Smartphones : un expert mondial dénonce la faiblesse des normes de sécurité et l’influence du « complexe militaro-industriel »

Dans un article publié le 21 juillet dernier dans la revue Frontiers in Public Health, le professeur James C. Lin, mondialement reconnu pour son expertise en bioélectromagnétisme, dénonce l’affaiblissement des normes d’exposition aux radiofréquences (RF) par l’ICNIRP, l’influence du « complexe militaro-industriel » et la connivence des régulateurs mondiaux.

◆ Une alerte sur des risques sanitaires majeurs

James C. Lin tire la sonnette d’alarme. Dans un article publié le 21 juillet 2025 dans la revue scientifique Frontiers in Public Health, ce professeur émérite de l’université de l’Illinois (Chicago) dénonce les risques sanitaires majeurs liés à la téléphonie mobile, en raison du poids des lobbies imposant des normes de sécurité trop faibles.

Le Pr James C. Lin est un expert mondialement reconnu en bioélectromagnétisme. Très estimé par ses pairs, il vient de recevoir, en juin 2025, le plus prestigieux prix de l’Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE), récompensant l’ensemble de sa carrière pour ses réalisations et ses contributions exceptionnelles à la théorie et à la technologie des micro-ondes. Il a également été, de 2004 à 2016, l’un des membres influents de la Commission internationale de protection contre les rayonnements non ionisants (ICNIRP).

Le Pr James C. Lin dans son bureau de l’université de l’Illinois. (DR)

◆ Quid des effets non thermiques et des risques à long terme ?

Dans son article, relayé par l’ONG Alerte Phonegate, le Pr Lin conteste les normes d’exposition aux radiofréquences (RF) existantes. « Les limites d’exposition révisées ne permettent pas d’ajuster ou de protéger les effets dus à des expositions à long terme sur l’homme. Il existe un manque tangible d’appréciation des connaissances scientifiques en matière de toxicité chronique et de cancérogénicité concernant les expositions aux radiofréquences inférieures aux restrictions fondamentales promues dans les lignes directrices et les normes d’exposition existantes. »

« Cette analyse du Pr Lin met en lumière la négligence des risques à long terme et des effets non thermiques, aujourd’hui confirmés par d’importantes études indépendantes », commente Alerte Phonegate. En effet, si les risques liés au réchauffement des tissus humains par les ondes de la téléphonie mobile sont officiellement admis, ceux liés aux effets non thermiques restent sujets à débat, en raison de « la pression constante du lobby des industriels », affirme l’ONG.

◆ Une réglementation allégée au profit d’intérêts stratégiques et commerciaux

James C. Lin dénonce lui aussi le puissant réseau d’influences agissant « pour un allégement réglementaire continu ou accru des industries » au détriment de la santé et de la sécurité publique. Ce « complexe de régulation de l’industrie » peut notamment faire en sorte « d’amener les principaux acteurs de l’industrie dans des positions de pouvoir au sein de l’État » et de participer aux décisions « qui réglementent ces industries ».

Pour Alerte Phonegate, ce « système verrouillé », qui comprend aussi les acteurs militaires, fait que « ce sont les intérêts stratégiques et commerciaux qui orientent le contenu, l’évolution et la permissivité des normes, bien plus que les exigences sanitaires ». Cela « questionne la neutralité et l’indépendance affichées par des organismes clés comme l’ICNIRP, la FCC [Commission fédérale des communications américaine, NDLR] et l’OMS [Organisation mondiale de la santé, NDLR] ». L’association rappelle que cette dernière, désormais alignée sur l’ICNIRP, « encourage une harmonisation mondiale qui généralise et légitime des seuils d’exposition non protecteurs ». « La priorité accordée à la connectivité globale prévaut trop souvent sur la prudence en matière de santé publique », déplore l’ONG lanceuse d’alerte.

◆ Le choix non scientifique de l’ICNIRP pour la valeur DAS autorisée

Le Pr Lin critique également la valeur de DAS choisie par l’ICNIRP pour plus de 150 pays, dont l’Europe. Le DAS (débit d’absorption spécifique) mesure la puissance d’énergie électromagnétique absorbée par le corps humain lorsqu’il est exposé aux ondes radiofréquences émises par un appareil (téléphone portable, tablette, montre connectée, etc.). C’est l’indicateur utilisé pour tester les effets thermiques des appareils.

L’ICNIRP a fixé la valeur DAS autorisée à 2,0 watts par kilogramme (W/kg) pour la tête et le tronc, alors qu’aux États-Unis, la FCC l’a fixée de façon plus stricte à 1,6 W/kg. De plus, cette valeur réglementaire est mesurée sur 10 grammes de tissu selon les normes de l’ICNIRP, alors qu’elle est mesurée sur seulement 1 gramme de tissu aux États-Unis, ce qui permet des calculs de DAS plus précis.

Selon James C. Lin, « la décision prise par l’ICNIRP en 1998 de choisir la valeur DAS de 2,0 W/kg n’était pas accompagnée d’une logique scientifique ou d’une base biophysique déclarée ».

◆ Le vaste scandale du « Phonegate »

En réalité, cela n’est que la partie émergée de l’iceberg. Le scandale du « Phonegate », découvert en 2016 par le Dr Marc Arazi, cofondateur et président d’Alerte Phonegate, est bien plus vaste.

Il concerne aussi la distance réglementaire entre l’appareil et le corps pour la mesure du DAS, la durée de l’exposition, la manipulation des tests par les fabricants grâce à des logiciels embarqués dans les appareils, l’insuffisance des contrôles de seuils après commercialisation par l’Agence nationale des fréquences (ANFR) et, encore une fois, l’absence de prise en compte des effets non thermiques.

Selon le Dr Arazi, des liens peuvent être établis entre l’usage des téléphones portables et l’augmentation fulgurante du nombre de certains cancers du cerveau (glioblastomes) chez les jeunes en France.

⇒ Lire notre article du 14/03/2025 :

À ces dangers s’ajoute le phénomène de multiplication des objets connectés dans notre environnement, qui augmente quotidiennement notre exposition aux ondes, sans contrôle ni affichage de DAS adapté.

Article par Alexandra Joutel

(Image par Arek Socha de Pixabay)

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