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La banque UBS plie devant la lanceuse d’alerte Stéphanie Gibaud

Aucun média n’en a parlé jusqu’à aujourd’hui et pourtant, c’est une nouvelle de haute importance, puisqu’une banque a plié devant une lanceuse d’alerte après des années de contentieux juridique. Le 8 juin 2021, le géant financier UBS a abandonné la procédure en diffamation lancée en 2015 contre Stéphanie Gibaud, qui a dénoncé les pratiques d’évasion fiscale et de blanchiment de fraude fiscale en bande organisée de cette banque, dans son livre « La femme qui en savait vraiment trop ». Cela étant, le chemin vers la reconnaissance de ce qu’elle a fait pour l’État n’est pas encore terminé…

◆ Des réjouissances publiques non partagées

Le 28 juin 2021, les éditions Le cherche midi se réjouissaient sur Twitter de l’abandon de la procédure en diffamation que la banque suisse UBS avait entamée en 2015 à l’encontre de l’auteure Stéphanie Gibaud, pour ses propos tenus dans l’ouvrage  « La femme qui en savait vraiment trop ». Une nouvelle qui n’a été relayée à notre connaissance par aucun média mainstream jusqu’à aujourd’hui.

◆ Un retour de manivelle juridique impossible ?

On pourrait se dire que six années passées à être accusée et à se défendre pourrait aboutir à une demande de dédommagement à UBS de la part de Stéphanie Gibaud, mais selon son avocat Gwenaël Kerveillant , « Il n’y a malheureusement aucune demande pécuniaire que nous pouvons former dans le cadre de cette procédure maintenant terminée. »

◆  Des échecs à répétition

Selon la lanceuse d’alerte, UBS s’est plusieurs fois attaquée à elle, sans succès. « UBS avait déjà porté plainte en diffamation contre moi en 2010 alors que j’étais une cadre de la banque, la diffamation portait sur le contenu d’un Procès-Verbal de réunion de CHSCT (Comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) où j’ai été relaxée en octobre 2010 sans qu’UBS ne fasse appel de la décision. J’ai gagné mon procès au tribunal des Prudhommes en février 2015 où le harcèlement moral souffert pendant la période 2008-2012 a été reconnue, j’ai été indemnisée par le tribunal pour ces trois années à 30 000€, alors que les frais de procédure m’ont coûté 35000€. UBS n’a pas fait appel de cette décision. »

◆ Une représentante du personnel avant d’être lanceuse d’alerte

Nous demandons à Stéphanie Gibaud de nous raconter plus en détails l’origine de cette affaire : Responsable Marketing et Communication, représentante du personnel chez UBS et chargée d’assurer la responsabilité sociale des entreprises (ou RSE), elle tique lorsqu’on lui demande à l’oral de détruire certains documents suite à une perquisition dans le bureau du Directeur Général. Elle se renseigne alors auprès de différents directeurs pour en savoir plus, et met plusieurs mois à comprendre qu’elle est au coeur d’un scandale financier d’ampleur international. Sans ordre écrit de la part de sa responsable hiérarchique, elle décide alors de ne pas détruire ces données potentiellement sensibles, afin notamment d’écarter toute possibilité d’être jugée complice dans le cadre de cette enquête.

◆ Une placardisation soudaine, violente et durable

Les pressions qu’elle commence alors à subir vont s’exacerber au sein de l’entreprise. Face aux témoignages d’autres membres de la banque à qui on demande également des choses sans respect du protocole hiérarchique, en tant qu’élue du personnel, elle se doit de les protéger et va contacter l’inspection du travail pour dénoncer le fait qu’UBS essaie de couvrir des exactions. Via cet organisme public, l’État apprend qu’il y un problème supposé de fraude fiscale chez UBS et que Stéphanie Gibaud est en état de faiblesse et placardisée face à de grosses pressions internes.

◆ Un statut hors procédure à l’époque

Salariée avec un statut protégé par l’inspection du travail, elle ne peut pas être écartée aisément par UBS, contrairement à Nicolas Forissier, auditeur interne qui avait lancé l’alerte avant elle. L’État en profite pour demander à Stéphanie via la SNDJ (Le service national de douane judiciaire) d’aller chercher des infos confidentielles sur un serveur accessible à un nombre restreint de personnes chez UBS. Étant dans l’évènementiel, Stéphanie n’est pas une spécialiste du hacking. Pourtant, on lui demande selon elle de « sortir sur ordre de fonctionnaires assermentés des informations » qui appartenaient à UBS et qui n’étaient pas forcément dans son périmètre professionnel, afin de comprendre les processus et schémas institutionnalisés permettant de détecter les fraudes potentiellement commises.

◆ Du travail forcé ?

On lui donne alors les moyens d’aller récupérer ces infos et alors qu’elle est en état de faiblesse, la voilà considérée comme  un agent du renseignement, sans la rétribuer.  Si le statut de lanceur d’alerte n’existait pas à l’époque, Stéphanie Gibaud a refusé qu’on lui attribue le terme de « témoin ».
« Je n’ai pas été un “témoin”, j’ai été obligée de faire ce qu’on m’a demandé. Si vous pouvez refuser de parler à un journaliste, vous ne pouvez pas refuser de parler à un fonctionnaire assermenté. », nous explique-t-elle. « Et je ne suis à la base pas une lanceuse d’alerte comme on l’entend aux États-Unis, avec divulgation des infos internes au grand public. C’est en interne et auprès de l’État que j’ai tenté de lancer l’alerte pour que ces pratiques cessent lorsque je les ai découvertes, dans le respect de la loi. Si la Loi Sapin 2 avait existé à l’époque des faits, je serais parfaitement entrée dans le cadre de l’article 6 dédiée aux lanceurs d’alerte et ce qu’on définit par cette notion. »

◆ L’État, commanditaire, puis adversaire

Stéphanie Gibaud poursuit : « Je me bats d’un côté contre UBS, mais de l’autre contre l’État qui n’a pas reconnu mon statut, invoquant que j’étais lanceuse d’alerte au départ, puis que j’avais usurpé cette appellation de lanceuse d’alerte et que je n’étais qu’un témoin dans un dossier. Le Tribunal administratif a reconnu en novembre 2018 que j’étais “collaboratrice du service public” et a dédommagé le stress lié à la situation à hauteur de 3,000 Euros. L’État n’a pas fait appel de cette décision. »
L’État français, qui a déjà récupéré « 4 milliards à la cellule de régularisation », auxquels auraient dû pouvoir s’ajouter bientôt l’amende de 4,5 milliards d’euros, dont 800 millions à titre de dommages et intérêts, écopée par UBS pour cette affaire historique de fraude fiscale.

La banque ayant fait appel, UBS n’a pour l’instant payé qu’une caution d’un peu plus d’un milliard. Bénéficiant d’une toute nouvelle jurisprudence, elle ne pourra payer que 3 milliards maximum. Le sort d’UBS sera fixé le 27 septembre 2021.

◆ Des bâtons dans les roues partout

La Loi Sapin 2 déterminant le statut des lanceurs d’alerte n’étant sortie qu’en 2016 et n’étant pas rétroactive, Stéphanie Gibaud se retrouve dans une situation plus que bancale.

« J’ai été utilisée par l’État français hors procédure qui a exigé de moi des informations, grâce auxquelles il a pu récupérer des milliards d’euros. Cette histoire a emporté ma vie. »

« L’État ne m’a non seulement rien donné pour le travail effectué pour lui, mais il ne m’a jamais non plus défendue ou soutenue lorsque ma vie a basculé suite à cette mission. J’ai tout perdu : mon emploi, mes enfants, mes amis. Je commence ma huitième année aux minimas sociaux. Je vais de procès en procès, qui m’ont coûté plus que ce qu’ils ont rapporté. Le peu que j’ai obtenu, ça a été au prix d’une lutte juridique éprouvante. » Même son livre a été mis à mal par la procédure en diffamation lancée en 2015 par UBS contre Stéphanie Gibaud, véritable « plainte-bâillon » qui a empêché notamment que le livre soit traduit, ou scénarisé pour le cinéma, et qui a discrédité l’intégrité de Stéphanie Gibaud.

◆ Un parcours juridique qui continue

Le chemin à parcourir dans les tribunaux n’est pas terminé. Restent à venir d’après Stéphanie Gibaud « un procès au pénal pour le harcèlement subi chez UBS et l’entrave à ma mission d’élue (secrétaire du CHSCT). Aucune date pour l’instant n’est prévue, car UBS peut faire encore appel pour que ce procès n’ait pas lieu.  Ainsi qu’un procès au Tribunal Administratif pour que mon travail auprès de l’État soit rémunéré, ce que Bercy a refusé de faire jusqu’à aujourd’hui, invoquant qu’aucune loi n’existe pour ce faire. »
Quoi qu’il en soit, il est également possible pour soutenir son travail de longue haleine d’acheter ses ouvrages, et de faire appel à elle pour des conférences ou autres interventions, afin qu’elle puisse dignement gagner sa vie. Le temps aussi de préparer une contre-attaque des lanceurs d’alerte ?

Estelle Brattesani

Lien vers le site de Stéphanie Gibaud

– Lien vers le livre de Stéphanie Gibaud

– Pour soutenir Stéphanie Gibaud et avoir accès à ses autres écrits :

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