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Traitements anti-Covid : à quels prix ?

Mardi 26 octobre, Olivier Véran faisait état de la commande par la France de 50 000 doses d’un traitement anti-covid, le molnupiravir de Merck. Pfizer entre dans la danse à son tour, avec le paxlovid. Merck annonce que son médicament peut diminuer de 50 % le risque de développer une forme grave de covid. Pfizer avance une possibilité d’éviter 9 hospitalisations sur 10. Ces mesures d’efficacité doivent être cependant relativisées. Les bénéfices, eux, seront assurément substantiels, dès lors que les autorisations officielles auront été accordées.

 

Molnupiravir et paxlovid sont des antiviraux : ils enrayent la réplication du virus dans l’organisme, et sont indiqués dans les cas de « Covid-19 léger à modéré chez les adultes à risque de faire un Covid-19 sévère ou d’être hospitalisé ». Au contraire du remdesivir, autre antiviral de triste mémoire, ils peuvent être pris par voie orale.

Cela fait près d’un an que le molnupiravir a fait son apparition parmi les aspirants de l’armée anti-covid. En décembre 2020, « testé sur des furets, il aurait bloqué la transmission du virus « en 24 à 36 heures ».

Les essais cliniques effectués cette année sur des êtres humains ont été interrompus plus tôt que prévu, non pas seulement « face à des résultats très concluants » comme l’écrit L’Express, mais aussi à la suite de décès survenus dans les groupes de contrôle recevant un placebo à la place du médicament testé.

◆ Des essais qui ont un prix… en vies humaines

Le 1er octobre dernier, Merck annonçait, sur son site, que le molnupiravir avait « réduit le risque d’hospitalisation ou de décès d’environ 50 % par rapport au placebo pour les patients atteints de COVID-19 léger ou modéré ». Portant sur 775 patients, l’étude s’est déroulée sur 29 jours, à l’issue desquels « aucun décès n’a été signalé dans le groupe ayant reçu le médicament, contre huit décès dans le groupe ayant reçu le placebo ». A la suite de quoi, « un comité indépendant de surveillance des données, après consultations avec la FDA [Food and Drugs Administration], a décidé d’arrêter l’essai prématurément jugeant qu’il serait contraire à l’éthique de continuer à donner un placebo ». Aucun des patients participant à l’étude n’était vacciné. Du côté de Pfizer, les essais, portant sur 1219 patients, ont été interrompus au jour 28 alors que décès et hospitalisation avaient été évités dans 89% des cas (aucun mort) dans les groupes recevant le médicament, tandis que 10 patients étaient décédés dans les groupes recevant un placebo.

◆ En attente d’autorisations 

Le laboratoire Merck attend l’autorisation d’utilisation d’urgence demandée aux autorités de santé états-uniennes aussi bien qu’européennes. Ces dernières ont entamé « une procédure accélérée ». Avec un temps de retard, Pfizer « prévoit de soumettre un dossier d’autorisation auprès de la FDA le plus tôt possible ».

Un fait semble avoir été oublié depuis que ces antiviraux sont sur le devant de la scène et s’apprêtent à se tailler la part du lion commercial que n’ont pas dévorée les vaccins : « de précédentes versions [du molnupiravir] ont eu des effets mutagènes de nature à induire des malformations congénitales ». L’Agence européenne des médicaments (EMA), qui doit évaluer « la conformité du molnupiravir aux normes européennes habituelles en matière d’efficacité, de sécurité et de qualité », s’en souviendra-t-elle ?

◆ Le glas du vaccin n’a pas sonné

Le molnupiravir et le paxlovid ne sont pas censés se substituer aux vaccins, comme l’a rappelé le professeur à l’Université de médecine de Houston (Texas) Peter Hotez à propos du molnupiravir : « Ce n’est pas un médicament miracle, mais un outil pour accompagner la vaccination. »

Professeur en pharmacologie et président du CHU Pellegrin, Mathieu Molimard, interrogé par Franceinfo et cité sur linternaute.com, tempère encore davantage l’enthousiasme. Il faut, selon lui, ramener les pourcentages annoncés en valeur absolue : « on évite environ 25 hospitalisations pour 400 patients traités. C’est bien, mais ce n’est pas la révolution non plus ». De plus, pour lui, le molnupiravir seul « ne suffira probablement pas » et il faudra « plusieurs médicaments, souvent en combinaison ».

Des propos qui semblent confirmer la tendance prédite par le professeur Didier Raoult quand il annonçait qu’il y aurait « beaucoup de discussions à propos de la thérapeutique précoce de ces maladies, parce que l’industrie pharmaceutique sort des nouveaux médicaments qu’on va pouvoir donner chez les gens qui sont malades précocement et donc ça fera un marché colossal et donc une information considérable sur le traitement précoce, et donc on entendra les mêmes qui disaient que le vaccin marchait à tous les coups, dire que non le vaccin ne marche pas à tous les coups, et que donc il faut absolument tester les nouveaux médicaments… »

◆ Un jackpot de plus pour les labos

En fin de semaine dernière, le Royaume-Uni a d’ores et déjà autorisé le molnupiravir « chez les malades présentant au moins un facteur de risque de développer une forme grave : personnes âgées, obèses, diabétiques… », et en a commandé quelques 480 000 doses. Bien plus que la France, qui se borne (pour l’instant ?) à une précommande de 50 000 doses, et bien moins que les États-Unis, dont la précommande a porté sur 1,7 millions de traitements. Pfizer confie de son côté avoir « conclu des accords d’achat anticipé avec plusieurs pays » et être «en négociation avec plusieurs autres », sans préciser lesquels. Ni Pfizer ni Merck (qui annonce avoir signé un accord permettant la diffusion dans les pays pauvres ou à revenu intermédiaire) n’ont parlé de prix, mais on évalue celui du molnupiravir à 600 euros la dose d’après le montant de la commande américaine (1,2 milliard de dollars pour 1,7 million de doses). Le ministre français de la Santé n’a pas évoqué non plus cette question du prix de revient, quand bien même il évoquait un trio anti-covid composé des vaccins, des antiviraux et des anticorps monoclonaux, ces derniers étant encore plus onéreux que le molnupiravir d’après son prix évalué aujourd’hui.

Pfizer envisage d’investir jusqu’à un milliard de dollars dans le paxlovid. Merck prévoit de fabriquer les doses nécessaires pour 10 millions de traitement au molnupiravir d’ici à la fin de l’année…

Image TBIT sur Pixabay

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