Le miscanthus est-il le biocombustible de demain ? Environnement

Le miscanthus est-il le biocombustible de demain ?

Protecteur pour l’eau et pour les sols, facile à cultiver, robuste, ne nécessitant aucun entretien ni pesticide, pas cher et utilisable comme biocombustible, le miscanthus semble n’avoir que des qualités. Cultivée depuis une quinzaine d’années en France, cette plante vivace originaire d’Afrique et d’Asie du sud séduit de plus en plus de monde.

◆ Un chauffage à 0,077 € le kilowatt

Bernwiller, un petit village alsacien situé près de Mulhouse dans le Haut-Rhin, s’est récemment retrouvé dans un soudain tourbillon médiatique comme seules les lois de l’information circulaire sont capables d’en produire. Du quotidien L’Alsace à BFM TV, en passant par France 3, France 2, France 24, Le Parisien, Ouest-France et même Science & Avenir, toute la presse française s’est intéressée à cette petite bourgade de 1 200 habitants.

La raison de cet engouement ? Bernwiller se chauffe depuis quinze ans au miscanthus, une plante bon marché cultivée localement. Un choix avant-gardiste qui permet aujourd’hui à la commune d’échapper à la flambée des coûts de l’énergie. Vendu environ 100 € la tonne, le miscanthus utilisé comme combustible reviendrait en effet à 0,077 € le kilowatt, selon le calcul du maire de la commune, Patrick Baur. Un tarif bien inférieur à ceux du fuel, du gaz ou de l’électricité. Et les 27 hectares cultivés localement par une dizaine d’agriculteurs suffisent amplement à fournir les 80 m3 hebdomadaires dont Bernwiller a besoin en hiver pour chauffer ses bâtiments communaux et la cinquantaine d’habitations raccordées au réseau.

◆ Plus intéressant que le bois

Le prix n’est pas le seul atout de ce biocombustible. D’après l’association France Miscanthus, cette plante possède également un pouvoir calorifique inférieur (PCI) élevé (4,9 MWh par tonne de matière sèche) comparable à celui du bois, mais avec un taux de matière sèche supérieur (plus de 85 %), du fait que le miscanthus est récolté en fin d’hiver. Son rendement est aussi excellent, puisqu’on peut récolter entre 10 et 20 tonnes de matière sèche par hectare. L’association estime ainsi qu’en récoltant 15 tonnes de miscanthus sur un hectare, on peut obtenir l’équivalent de plus de 6 000 litres de fuel. Autre point fort comparé au bois : le miscanthus ne met pas 50 ans à repousser et se récolte chaque année.

Les qualités de cette plante herbacée vivace ne s’arrêtent cependant pas là. Originaire d’Afrique et d’Asie du Sud, le miscanthus, et plus précisément le Miscanthus x giganteus (à ne pas confondre avec d’autres espèces ornementales plus petites), est cultivé en France depuis 2006. En quelques années, il a su séduire les nombreux experts (agriculteurs, chercheurs, ingénieurs agronomes, techniciens de l’environnement…), par ses multiples vertus à la fois agronomiques et écologiques.

◆ Une perle rare multifonctions et écolo ?

Parmi ses principaux avantages, le miscanthus est un dépolluant pour l’eau et le sol. À Ammertzwiller-Bernwiller, par exemple, le projet était au départ de planter du miscanthus pour enrayer la hausse des taux de nitrate dans l’eau potable captée par un puits alimentant dix communes. Cette plante permet également de réduire l’érosion des terres arables, puisqu’elle peut être cultivée sur tous types de terrains, y compris ceux en pente ou difficiles d’accès. De plus, elle est pérenne (10-15 ans), ne nécessite aucun entretien, ni engrais ni pesticide, et peut pousser sur des sols relativement secs. La perle rare aurait-elle été trouvée ?

Certains reprochent au miscanthus d’être invasif, ce qui est vrai de l’espèce ornementale plantée dans les jardins, mais pas du Miscanthus x giganteus utilisé en agriculture, puisque cet hybride a été rendu stérile, comme l’explique une note de Maryse Brancourt-Hulmel, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae).

Des interrogations à son sujet

Dans les commentaires qui suivent les reportages télé, des internautes s’inquiètent du risque de voir émerger une nouvelle monoculture appauvrissante pour les sols. Le site Techno-Science.net souligne, pour sa part, qu’on « ne dispose pas encore du recul nécessaire pour mesurer un éventuel impact […] sur la difficulté à débarrasser les sols de ses rhizomes en cas de changement d’affectation du sol ». Ce à quoi France Miscanthus oppose le résultat de recherches menées par RMT Biomasse et Territoires montrant, selon l’association, que « la destruction du miscanthus peut être faite de manière assez simple. De plus, durant sa culture, le miscanthus permet de laisser la terre au repos. Ainsi, la remise en culture après le miscanthus est également simple et facile, les terres restant fertiles ».

Cette plante « géante », qui peut atteindre jusqu’à 4 mètres de haut, constituerait par ailleurs « un habitat pour une faune diversifiée, favorable à la biodiversité », ajoute encore France-Miscanthus, tandis que Techno-science en doute. Selon le site, « les cultures peuvent devenir rapidement si denses qu’elles sont peu pénétrables, hormis pour quelques espèces d’oiseaux, et si elles devaient se faire en zones humides, ces cultures se substitueraient à des milieux écologiquement beaucoup plus riches et fonctionnellement importants pour la qualité de l’eau ».

De nombreux débouchés

Plus pragmatique, un reportage de janvier 2018, publié sur le site de l’association La Ruche qui dit oui !, se place du côté de l’agriculteur. L’article souligne les efforts financiers importants à mettre en œuvre pour lancer la culture de miscanthus et le temps qu’il faut y consacrer au début, avant que les plants soient matures. Mais, précise l’article, « le coût de production à terme est faible, bien plus en tout cas que le maïs. L’amortissement survient au bout de sept ans, et l’entretien est quasi nul. » Pour Vincent Salou, un membre de la chambre d’agriculture du Finistère cité par Ouest-France dans un article de novembre 2021, le miscanthus « est une plante pérenne avec une promesse de rentabilité sur vingt ans ou plus […], il faut seulement que l’année de la plantation, le terrain soit bien préparé ».

Quoi qu’il en soit, tout le monde semble au moins s’accorder sur un point : le miscanthus offre de nombreux débouchés (chauffage, paillage, litières, isolation, produits biosourcés…), même si la filière n’est pas encore constituée en France. Alors, le miscanthus sera-t-il le biocombustible et même la « plante super écolo » de demain ? L’avenir nous le dira.

Article par Alexandra Joutel

 

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