Autonomie alimentaire

Autonomie à deux : un couple guidé par les principes de la permaculture

Après vingt ans dans l’industrie spatiale et aéronautique, Nina et Jacques Sandré ont changé de trajectoire pour bâtir une vie autonome, résiliente et alignée avec leurs valeurs. Guidés par les principes de la permaculture, ils ont progressivement transformé leur quotidien : autonomie alimentaire, énergétique, financière, relationnelle… Un chemin de liberté qu’ils partagent aujourd’hui à travers leur chaîne Destination Bonheur et leur livre. Rencontre avec un couple inspirant qui prouve que l’autonomie est un élan vers l’abondance, le lien et le sens.

Nexus : Pouvez-vous résumer brièvement votre parcours ?

Nina et Jacques Sandré : Nous nous sommes rencontrés lors d’une formation universitaire, suivie d’études d’ingénieurs dans des spécialités différentes. Cela nous a conduits à travailler dans l’industrie spatiale et aéronautique pendant 20 ans. Dès le début, le lien avec la nature était essentiel pour nous, alors nous avons acheté un terrain dès que possible, avec l’idée d’avoir un jardin.

Quel a été le déclic pour aller plus loin dans votre lien à la nature et vers l’autonomie ?

Après avoir entendu parler de personnes se suicidant à cause de leurs conditions de travail, cela nous a profondément marqués. Pour nous, la vie vaut plus qu’un travail. Cet évènement a été le moteur qui nous a poussés à créer des conditions nous laissant toujours le choix.

Quelles étapes principales avez-vous traversées ?

Nous avons commencé par viser l’autonomie financière, notamment en remboursant notre emprunt immobilier plus vite que prévu. Parallèlement, nous avons développé notre autonomie mentale et relationnelle grâce au développement personnel, puis notre autonomie en santé.

Comment avez-vous réduit vos besoins financiers ?

En améliorant l’isolation de la maison, récupérant l’eau de pluie, apprenant à reconnaître les plantes sauvages comestibles, installant un système photovoltaïque autonome et un poêle à bois. Nous avons aussi créé une production autonome avec un jardin-forêt comestible, des poules, des abeilles, et développé des relations d’entraide, du don et des échanges. Tout en réduisant nos besoins quotidiens non essentiels.

Quand avez-vous décidé de changer radicalement de vie ?

Quand nos conditions de travail sont devenues intolérables, nous avons choisi de quitter nos emplois pour une vie plus heureuse et résiliente, chemin que nous construisons à deux depuis 30 ans. Aujourd’hui, nous partageons notre expérience via notre chaîne vidéo Destination Bonheur et notre livre Comment réussir son autonomie avec les principes de la permaculture.

Aviez-vous déjà une attirance pour ce mode de vie ?

Nous avions l’exemple de nos grands-parents autonomes, mais rien ne nous prédestinait particulièrement à cette vie. Notre maison n’était pas initialement conçue pour l’autonomie. Ce sont surtout nos valeurs communes de curiosité et de liberté qui nous ont guidés, ainsi que notre choix de ne pas avoir de télévision, ce qui nous a libérés du formatage médiatique et libéré du temps.

Qu’est-ce que l’autonomie pour vous ?

C’est avant tout avoir toujours le choix, savoir répondre par soi-même à ses besoins essentiels. C’est un processus sur le long terme, qui demande d’acquérir des savoir-faire et des outils progressivement.

Faut-il tout faire soi-même pour être autonome ?

Pas forcément. L’important est de savoir faire ou être équipé pour le faire en cas de besoin. Par exemple, savoir faire la vidange de sa voiture n’implique pas de la faire systématiquement, mais ça offre une indépendance précieuse en cas de difficulté.

À quels domaines appliquez-vous l’autonomie ?

Nous considérons notre vie comme un écosystème interconnecté. Nous déployons donc notre autonomie dans de nombreux domaines : eau, alimentation, énergie, stockage, santé, finances, relations, apiculture, plantes sauvages comestibles… Comme disait Carl Gustav Jung : « Pour s’épanouir, la vie a besoin de complétude, pas de perfection. » Cette diversité crée un cercle vertueux et résilient.

Il existe différents niveaux d’autonomie selon les efforts et choix de chacun. Certains privilégieront l’alimentation, d’autres la santé, la gestion du temps ou les relations. C’est une question de priorités personnelles, l’essentiel étant que ça fasse sens pour chacun.

Êtes-vous totalement autonomes aujourd’hui ? Peut-on vraiment l’être ?

Concrètement, nous produisons surtout pour nous, pratiquons don, entraide, troc et échanges. Notre autonomie est suffisante dans les domaines essentiels. Pour le confort, nous achetons un peu d’eau, d’électricité, de nourriture, mais une coupure aurait peu d’impact. Nous n’utilisons pas la médecine allopathique et nous sommes autonomes pour notre santé. Nous avons une richesse relationnelle et œuvrons à des projets porteurs de sens.

L’autonomie ne signifie pas couper les liens, ce serait plutôt de l’autosuffisance ou de l’autarcie. La permaculture nous montre que la richesse des liens et interdépendances rend un système plus résilient. Nous remplaçons les dépendances uniques par des interdépendances multiples et cultivons le lien humain, un principe éthique essentiel.

Comment l’autonomie influence-t-elle les relations humaines ?

Savoir répondre à ses besoins évite de se sentir coincé, ce qui favorise des relations choisies, simples et authentiques. Des relations de qualité font partie de nos besoins fondamentaux, au même titre que l’eau, la nourriture ou la santé. C’est pourquoi nous proposons aussi des vidéos sur la connaissance de soi et les relations.

En quoi cette démarche vous libère-t-elle concrètement ?

Elle demande de la discipline, mais libère des contraintes du mode de vie moderne. Elle nous offre la liberté de vivre selon nos rythmes, de consacrer du temps à notre mission de vie et de sortir du modèle standard imposé par les médias, industries et gouvernements.

Quels sont les principes principaux de la permaculture, selon vous ?

La permaculture repose sur l’observation des écosystèmes naturels pour en extraire des principes universels. Elle s’étend à plus que la production alimentaire et s’applique à tous les domaines de notre vie – le corps, les relations, les finances, l’énergie. Ces principes sont des outils puissants pour aligner et renforcer notre autonomie. En voici quelques-uns que nous apprécions particulièrement :

  • Un minimum d’efforts pour un maximum de résultats : viser l’efficacité plutôt que la perfection, pour éviter d’être submergé par les tâches.
  • Utiliser et valoriser la diversité : une grande biodiversité crée un équilibre durable et moins de problèmes, ce qui demande moins d’efforts. Cela s’applique aussi au plan professionnel avec une diversité de clients et fournisseurs pour plus de résilience.
  • Faire avec la nature plutôt que contre elle : la nature est puissante ; coopérer avec elle génère l’abondance, tandis qu’aller contre elle est stérile et épuisant.
  • Lorsque les besoins sont remplis, un être vivant ou un écosystème s’épanouit : plutôt que de chercher à résoudre un problème, il suffit de créer les bonnes conditions pour que la vie se développe pleinement.
  • La permaculture propose aussi un système de valeurs fondamentales : prendre soin de l’humain, prendre soin de la nature et redistribuer les excédents.

Pourquoi est-il bénéfique de tendre vers l’autonomie ?

Au-delà de la liberté, l’autonomie apporte espoir, optimisme et une vie en accord avec soi-même, car « nous avons toujours le choix ». Elle offre plus de temps, un environnement sain, une vie harmonieuse connectée à la nature, et la possibilité de consommer une nourriture de qualité inaccessible dans le commerce, même bio. Elle conduit à une vie vertueuse, produisant peu de déchets, développant l’Intelligence Naturelle, et des liens bienveillants avec notre entourage. Limiter le recours à l’argent et aux industries polluantes permet aussi de ne pas financer des systèmes avec lesquels on est en désaccord. Enfin, c’est un mode de vie qui renouvelle les savoir-faire ancestraux.

Quelles sont vos prochaines étapes sur le chemin de l’autonomie ?

Notre priorité est de préserver notre santé physique et mentale, base indispensable pour maintenir notre autonomie globale et rester alignés.

Nous préparons des arbres à trogner pour le bois de chauffage et installons des nichoirs à chouettes pour accroître la biodiversité. Hormis cela, notre autonomie nous satisfait déjà, mais nous restons curieux et ouverts à apprendre et à améliorer certains aspects.

Nous souhaitons surtout consacrer notre temps à partager nos connaissances, créer des liens avec d’autres inspirés et œuvrer pour un monde électro-sain.

L’autonomie est-elle compatible avec l’interdépendance, la solidarité et la compassion ?

Absolument. L’autonomie est basée sur l’entraide, le partage et la solidarité. Il est difficile de tout faire tout seul. Nos compétences et ressources complémentaires avec celles des autres permettent des échanges mutuellement enrichissants.

L’autonomie ne pousse pas à l’égoïsme ou au détachement. Au contraire, elle offre la liberté de choisir des liens authentiques et respectueux, ce qui crée des relations de confiance et bienveillantes. Elle nourrit ainsi une richesse relationnelle profonde, essentielle pour prendre soin de soi et des autres.

Peut-on être autonomes individuellement tout en vivant en couple ? Y a-t-il des différences avec un couple « classique » ?

La liberté est compatible avec l’engagement. Notre autonomie individuelle, nourrie par la connaissance de soi et la relation aux autres, nous a aidés à construire un couple fort et durable. Être à deux multiplie nos compétences, renforçant à la fois notre autonomie et notre lien. Comme disait Saint-Exupéry : « S’aimer, ce n’est pas se regarder dans les yeux, c’est regarder dans la même direction. » C’est un chemin que nous parcourons ensemble avec bonheur.

Est-ce plus difficile de viser l’autonomie quand on vit seul ?

Il est possible d’être autonome seul, même si c’est souvent plus facile à deux. La solidarité et des relations bienveillantes avec famille, amis ou voisins sont alors essentielles.

Quelles difficultés majeures avez-vous rencontrées et comment les avez-vous surmontées ?

Les difficultés ont été limitées grâce à la patience et au principe permaculturel d’utiliser des solutions à petite échelle. Chaque erreur a été source d’apprentissage. Le plus grand défi fut la peur du changement en quittant nos emplois salariés, surmontée grâce à la confiance construite patiemment. Aujourd’hui, nous vivons bien mieux.

Quelle est une de vos plus grandes joies ?

Voir nos ruches essaimer est un moment magique, symbole d’abondance et de lien avec la nature. Nous pratiquons une apiculture douce, sans intervention dans les ruches, qui essaiment naturellement. Ces colonies nouvelles sont offertes à ceux qui en prennent soin, créant des refuges pour les abeilles et du bonheur partagé.

Quelle étape ou action majeure conseillez-vous en juin pour ceux qui veulent devenir autonomes ?

C’est la saison des prunes myrobolantes, un fruit rustique et abondant. C’est le moment de les consommer ou de les transformer en confiture ou vinaigre, très utile pour l’assaisonnement et l’entretien ménager. On peut aussi récolter et sécher les feuilles de tilleul pour en faire des farines. En juillet, ce sera la saison des abricots et poires précoces, idéales pour la déshydratation. Nous proposons plusieurs tutoriels sur ces sujets.

Comment ne pas se sentir submergé par les nombreuses tâches liées à l’autonomie ?

L’autonomie demande un travail et un équilibre. Nous pouvons récolter uniquement une partie de la production et faire des choix dans nos actions. Identifier ses besoins permet de gérer la juste quantité et de laisser le reste à la nature, respectant ainsi le principe éthique de la permaculture et favorisant un jardin équilibré. Avancer étape par étape, accepter son rythme et apprendre de ses erreurs sont essentiels. L’autonomie, c’est surtout savoir faire, pour toujours garder le choix et privilégier la liberté au lieu de la contrainte.

Quel tempérament favorise la réussite sur ce chemin ?

Il n’y a pas de tempérament type. Le moteur principal est l’envie et le plaisir. Connaître ses forces et ses limites personnelles permet de mieux avancer. La joie et l’efficacité viennent quand nos valeurs et besoins sont alignés avec qui nous sommes.

Est-il important d’inciter les enfants à être autonomes ?

Oui, c’est un des plus beaux cadeaux que l’on puisse leur faire. L’autonomie leur donne plus de possibilités pour choisir une vie en accord avec leurs talents, valeurs, besoins et aspirations, conduisant à une vie accomplie et heureuse. Ils deviendront des adultes libres, joyeux et bienveillants, créant ainsi un cercle vertueux où leur bien-être personnel rayonne sur les autres.

Quel type d’éducation favorise l’autonomie dès le plus jeune âge ?

Une éducation qui développe la confiance et l’estime de soi, qui valorise la reconnaissance intérieure, l’envie d’apprendre, l’acceptation de l’erreur, l’imagination, l’esprit critique, la coopération, et qui enseigne la communication bienveillante. Une éducation qui laisse aux enfants la liberté de choisir leur voie, de développer leurs talents, avec des enseignants au service de leur envie d’apprendre.

Avez-vous des enfants ? Leur avez-vous transmis ces valeurs ?

Nous n’avons pas d’enfants, car pour nous, créer se fait aussi par une œuvre commune : semer les graines d’un monde bienveillant. Ce choix n’est pas lié à un désir de rester libres, mais à nos valeurs d’engagement.

Comment votre entourage perçoit-il votre mode de vie ?

Notre famille nous soutient, même si elle a été un peu inquiète au départ. Elle a vite vu que nous vivons mieux et plus épanouis. Nos amis sont souvent curieux et inspirés, certains s’engagent aussi sur ce chemin. Notre autonomie a été construite progressivement, ce qui a facilité l’acceptation de notre choix.

N’y a-t-il que des survivalistes parmi les autonomes ?

Le survivalisme prépare à l’urgence, tandis que l’autonomie est une philosophie de vie visant à avoir toujours le choix. Ils se recoupent parfois : être autonome limite les urgences, et les survivalistes apprennent des compétences utiles. Les deux mouvements sont compatibles et complémentaires.

Voulez-vous ajouter quelque chose ?

Comme le dit Bernard Bertrand : « Le bonheur, c’est d’avoir la capacité à s’émerveiller. » Il suffit de prendre le temps de regarder, de vivre au rythme de la nature et de la respecter, car sans elle nous ne sommes rien. Pour un monde meilleur, il faut commencer par agir soi-même, par le premier pas, où qu’il nous mène. L’autonomie n’est ni une utopie ni un retour en arrière, mais un monde plus fonctionnel fondé sur l’abondance et la coopération. Nous posons l’intention que cette interview soit inspirante et aidante pour ceux qui la lisent pour qu’ils aient, eux aussi, les moyens de choisir la vie qui leur convient, qui a du sens et qui leur donne confiance en l’avenir.

→ Liens vers nos ressources :

Ces plateformes proposent des tutoriels, outils et méthodes pour construire son autonomie et créer un monde bienveillant. Sur Odysee, des solutions pour un monde électro-sain.

→ À propos de notre livre

Réussir son autonomie avec les principes de la permaculture, édité chez Terran, est un guide complet couvrant l’eau, l’alimentation, l’énergie, mais aussi la santé, l’autonomie financière, les relations, l’apiculture et les plantes sauvages. Il transmet méthodes, astuces, philosophie de vie, émerveillement du vivant, et l’outil puissant que sont les principes de permaculture, applicables à toute la vie pour plus de cohérence et de résilience.

Propos recueillis par Estelle Brattesani

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